9329. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.
Naumbourg, 9 [septembre 1757].
Ma chère Sœur. Je viens de recevoir votre lettre du 6, avec l'incluse de Voltaire. Vos réflexions sont très vraies; mais, ma chère sœur, la vérité n'est pas faite pour les hommes. Le peuple est mené par les<339> politiques, et il est toujours abusé par ceux qui veulent le tromper; ce n'est pas ma faute, il faut subir sa destinée. Quand l'Europe sortira de ses transports frénétiques, elle sera peut-être étonnée elle-même des excès où sa fureur l'a poussée; mais cela ne me fera peut-être alors ni bien ni mal.
J'ose vous envoyer une réponse pour Voltaire;339-1 daignez, je vous supplie, me marquer si vous avez reçu mon Épître,339-2 ou non.
Dans la situation présente, tout ce que je peux faire, ma chère sœur, c'est de me fortifier le plus que je peux dans la philosophie; jusqu'à présent, le malheur m'a roidi, au lieu de m'abattre. Les épreuves par lesquelles je passe, sont dures certainement; mais je me suis fait une raison sur tout ce qui peut m'arriver; je ne suis touché que de l'infortune d'un peuple que je devais rendre heureux. Enfin, ma chère sœur, il faut prendre patience et nager contre le torrent, tant qu'on en a la force. Je vous supplie de vous tranquilliser l'esprit; vos inquiétudes me sont précieuses certainement, j'y suis sensible, et je vous regarde comme le seul exemple d'amitié parfaite dans ce siècle corrompu; mais, en s'inquiétant, on ne change pas le destin, et, dans des circonstances où l'on doit s'attendre à tout, il faut se préparer à tout évènement. C'est, si vous le voulez, tirer sa consolation de la nécessité du mal et de l'inutilité du remède. Que faire, quand il n'en reste point d'autre? Je vous écrirais six pages, si je me livrais à mon penchant; cependant, je sens que je dois m'arrêter, pour que le paquet ne devienne pas trop volumineux. Mon cœur est plein de tendresse et de reconnaissance pour vous; soyez persuadé que, tant que je respirerai, le souvenir de tant de vertu restera gravé au fond de mon âme. Il m'est impossible de vous exprimer tout ce que je sens là-dessus, mais certainement, si je ne vous aimais pas depuis longtemps avec passion, comme frère, je vous adorerais comme le miracle, comme le Phénix de nos jours.
Vous ne pourrez recevoir de mes lettres que sous date du 15 de ce mois; nous sommes depuis quatre semaines par voie et par chemin,
22*<340> toujours sur pied et toujours en de nouveaux lieux. Nous avons fait une diligence qui surprend nos ennemis. Avant-hier et aujourd'hui les hussards autrichiens ont été malmenés; les Français ne se montrent pas, par grande prudence; je compte pourtant de les voir dans peu et de vous en donner des nouvelles. Adieu, mon adorable sœur, l'unique consolation qui me reste, mon seul espoir dans l'infortune; je vous embrasse du fond de mon âme.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
339-1 Das Schreiben von Voltaire sowie die Antwort des Königs liegen nicht mehr vor. Voltaire's Schreiben wurde der Markgräfin am 29. August gesandt. (Œuvres complètes de Voltaire, par Condorcet. Paris 1880. Bd. 39, S. 254.) Des Königs Schreiben schickt die Markgräfin am 12. September an Voltaire (ebenda S. 263). Sie schreibt dabei: „J'espere que vous serez satisfait de sa réponse pour ce qui vous concerne; mais vous le serez aussi peu que moi de ses résolutions. Je m'étais flattée que vos réflexions feraient quelque impression sur son esprit. Vous verrez le contraire par le billet ci-joint.“ Am 22. September schreibt Voltaire an die Herzogin von Gotha (ebenda S. 266): „J'eus l'honneur de recevoir, il y a peu de temps, une lettre du roi de Prusse; il me dit qu'il ne lui reste plus qu'à vendre cher sa vie. . . Qui eût dit, madame, qu'un jour je prendrais la liberté de le consoler !“ Der Herausgeber hat diese Stelle fälschlich auf ein früheres Schreiben des Königs aus dem August (das von uns oben S. 298 Anm. 1 erwähnte) bezogen, bei dessen Uebersendung die Markgtäfin am 19. August vielmehr die „fermete“ und den „Courage“ des Königs anerkannt hatte.
339-2 Vergl. Nr. 9287.