<347>voyer ensuite un corps contre moi. La nature de cette diversion peut être double : elle peut regarder la Poméranie, ou elle peut regarder la Silésie. Selon toutes mes nouvelles, c'est à cette dernière province que les Autrichiens font tous leurs efforts pour les attirer;1 mais comme ce corps de Russes destiné pour cette expédition ne peut agir contre la Silésie que vers la fin de juin au plus tôt, je compte vers ce temps de m'être mis dans un tel avantage à pouvoir détacher un corps d'armée pour m'y opposer.
Ce qui pourrait m'arriver de plus fâcheux, ce serait, si Fermor voulait pénétrer en Poméranie. Cela vous mettrait dans le fâcheux inconvénient de lâcher les Suédois, pour courir vers ces nouveaux ennemis. La façon de leur faire la guerre doit être de les chasser le plus promptement que vous le pourrez, de les attaquer en marche ou le moment qu'ils entrent dans le camp, pour qu'ils ne puissent point avoir le temps de s'arranger, de placer leurs canons et de se retrancher. Vous observerez soigneusement de ne faire votre attaque que par une aile, et comme le canon est furieusement devenu à la mode, vous ferez des batteries de grosses pièces et de haubitz à l'aile où vous attaquerez, pour démonter leur canon et pour leur faire perdre contenance. Si vous avez chassé ces gens-là, il faut incessamment retourner contre les Suédois, sans quoi rien ne les empêche d'aller droit à Berlin. Toutes ces circonstances me font donc infiniment souhaiter que vous puissiez porter un bon coup aux Suédois, avant que de vous voir forcé de tourner d'un autre côté; c'est à vous à employer la ruse et la force pour faire réussir ce dessein, dont il est clair et évident que la nécessité en est grande.
Pour tout ce qui regarde la subsistance des troupes, vous donnerez en tout cas vos ordres au président Aschersleben, et, quant à votre conduite, agissez toujours vigoureusement et offensivement; consultez les principes de l'honneur et prenez toujours les partis les plus honorables à la nation. II faut qu'un général soit hardi et audacieux; pourvu qu'il joigne de bonnes dispositions à sa témérité, il est ordinairement heureux. Vous êtes un homme, vous n'êtes point au dessus de la fortune, des malheurs peuvent vous arriver : mais vous devez être tranquille sur cet article et être sûr que je ne vous jugerai pas sur l'évènement, mais sur les circonstances où vous vous êtes trouvé, et sur les dispositions que vous avez faites. Si, par exemple, il s'agissait de marcher au devant des Russes, je ne crois pas qu'il convient d'aller plus loin que Cœslin. Cependant, je vous abandonne à régler tout cela; vous qui n'avez à penser qu'à cette seule chose, vous ferez mieux vos réflexions sur ce qu'il vous convient de faire que moi qui ai la tête pleine du gros fardeau qui m'accable ici.
Je dois ajouter à ce que je viens de dire que, si nous sommes
1 Vergl. S. 329.