9685. AU LIEUTENANT-GÉNÉRAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Breslau, 13 janvier 1758.

Monsieur mon Cousin. J'ai reçu la lettre du 5 que Votre Altesse m'a faite. Je suis bien aise que la ville de Harburg se soit rendue,167-1 quoiqu'il eût mieux valu de prendre ces gens prisonniers dé guerre. Je sens bien cependant que la rigueur de la saison et la rareté des subsistances ont fait préférer le parti de leur accorder cette capitulation-là.

Je comprends bien que vous manquez de bien des choses, mais je vous prie de ne point oublier que, dans de pareilles occasions que celleci, il faut se passer des choses, utiles à la vérité, mais non pas essentielles pour le grand coup que vous méditez. J'ai toujours pensé que, si je vous portais du secours, ce ne pourrait être qu'à la mi-février, d'autant plus qu'il fallait que le maréchal Lehwaldt eût fini son expédition. Quant à votre projet167-2 en soi-même, je le trouve bon et crois qu'il réussira, mais voyez mes petites réflexions, dont je crois que vous pourrez faire usage. Le premier point est d'observer sur votre projet le plus grand silence du monde, même de le cacher à vos officiers de l'armée; en second lieu, d'éclairer qui sont là-bas les espions de votre armée. La troisième chose est, quand vous connaîtrez ces gens-là, de les tromper eux-mêmes et donner des couleurs toutes différentes à vos desseins, pour qu'en trompant et votre armée et les espions français, vous parveniez d'autant-mieux à tromper les Français.

Cela pourra se faire ou sous prétexte de différents arrangements pour les cantonnements des troupes ou en répandant des bruits que l'armée manque de tout au monde, que l'on ne savait plus de quel bois faire flèche pour la subsistance, que l'armée était délabrée etc. Plus vous donnerez cours à de pareilles nouvelles et plus vous tromperez les Français, parceque l'on aimera à croire ce que l'on désire et souhaite. Mais si vous croyez que les Français savent votre projet, ou que vous<168> ne puissiez leur cacher les mouvements que vous faites, en ce cas-là vous pourriez débiter que vous irez du côté de Gifhorn, pour vous joindre aux 3 régiments de Wésel,168-1 à un bataillon franc que je fais lever, et quelque cavalerie que j'ai de ce côté-là, pour marcher avec eux droit sur Wolfenbüttel et sur Brunswick. Il faut un concert pour qu'autant que vous vous mettrez en mouvement, je fasse en même temps remuer ces troupes du côté de Halberstadt. Cela donne plus de vraisemblance à ce projet-là. Si alors les Français prennent la route de Brunswick et de Wolfenbüttel pour s'assembler, vous aurez le temps de prendre Nienburg avant eux. Si Richelieu court alors du côté de Wéser, et qu'il n'oppose rien à mes 6 bataillons, ils seront en état d'enlever le magasin français de Helmstedt et de nettoyer le plat pays de Brunswick pour le remettre sous l'obéissance du Duc.

Quant à l'article de la grosse artillerie, je donnerai volontiers mes canons, mortiers, boulets et bombes qui sont à Tcenning.168-2 Comme mon résident à Hamburg, le sieur Hecht, est instruit du nombre de toute l'artillerie, savoir canons, mortiers, boulets et bombes qui y sont, je lui ai donné mes ordres, afin qu'il fasse en livrer à Votre Altesse le nombre qu'Elle lui en demandera; ainsi qu'il n'y aura plus qu'à prendre avec lui un concert à ce sujet, pour en faire venir à vous, autant que vous en trouverez nécessaire. Il y a cependant encore un article [que je demande]168-3 pour cela, c'est que vous recevrez l'artillerie et la munition contre une bonne attestation spécifique en forme, et que l'on me donne, de la part des ministres d'Hanovre, une assurance par écrit que l'on me restituera non seulement l'artillerie, dès que Votre Altesse n'en aura plus besoin, mais aussi, si d'ailleurs le cas arrivait que l'ennemi s'emparait de quelques pièces, qu'alors on m'en rembourse le prix pour chaque pièce perdue, à une certaine taxe qu'on y mettra, et que, de plus, l'on me paiera les boulets et bombes dont on se servira contre l'ennemi, à un certain prix à régler, afin que je sois indemnisé de tout ce dont on se sera servi.

Voilà sur quoi vous vous concerterez avec les ministres d'Hanovre. Pour ce qui en est de la poudre à canon, je ne sais pas exactement s'il y en a à Tœnning; mais supposé qu'il y en ait, vous en commanderez aux mêmes conditions que par rapport aux autres munitions. Mais si, par hasard, il n'y avait là point de poudre, je ne saurais point vous en assister; car d'en faire venir de Stettin, ce serait trop difficile, et d'ailleurs je n'en saurais dépouiller cette forteresse, parceque, si la Fortune était contre vous, l'envie saurait bien prendre aux Français de tenter quelque chose contre cette place.

Quant au secours que je pourrai vous destiner, il pourrait consister en 5 escadrons de dragons et 6 escadrons de hussards,168-4 que je ferai dé<169>tacher sous les ordres du lieutenant-général prince de Holstein-Gottorp,169-1 bon officier et admirable pour les avant-gardes et pour toutes les actions vigoureuses. Mais il faut à présent que je sache par quel chemin vous voudriez [les] avoir, et à quel jour du côté de Lüneburg, et si d'ailleurs l'on pourra les nourrir, article principal sur lequel il faut de toute nécessité que je sois instruit le plus tôt possible, tant sur le pain que sur l'avoine, seigle et du reste qu'il faut pour les nourrir sans ma concurrence. Soyez persuadé, au reste, qu'on ne saurait être avec plus d'estime que je suis sincèrement, Monsieur mon Cousin, de Votre Altesse le bon et très affectionné cousin

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.



167-1 Vergl. S. 153. 156.

167-2 Vergl. hierzu das Schreiben des Prinzen an den König, d. d. Uelzen 5. Januar, in: Westphalen a. a. O. II, S. 182—184.

168-1 Die nach Magdeburg verlegten 3 Weselschen Regimenter. Vergl. S. 97. 98; Bd. XV, 238.

168-2 In der Gottorpschen Feste Tönning befand sich die aus Wesel fortgeschaffte (vergl. Bd. XIV, 494. 554) preussische Artillerie.

168-3 Ergänzt nach dem Concept.

168-4 Vergl. S. 116. 160.

169-1 Vergl. Bd. XV, 405.