9689. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

Breslau, 14 janvier 1758.

Ma très chère Sœur. Vous recevez avec trop de bonté les misères que je prends la liberté de vous envoyer.173-2 Mon adorable sœur, ne pensez pas que ma reconnaissance se borne à des vers, elle sera immortelle comme vos vertus; veuille le Ciel que je puisse un jour la manifester en entier, et que la plénitude des sentiments de mon cœur puisse éclater. La bonté que vous avez de vous intéresser à l'état de ma santé, m'oblige de vous en parler. Elle a été un peu altérée par le froid, mais à présent je me suis entièrement remis, et je me prépare à la campagne prochaine, qui, sans contredit, mettra fin à cette guerre.

J'ai bien de la peine à croire que les Français envoient actuellement tant de recrues en Allemagne; mais quoi qu'il en soit, entre ci et six semaines vous pouvez compter que l'on jouera un mauvais tour au duc de Richelieu.

Le maréchal Lehwaldt a chassé les Suédois de toute la Poméranie; il leur a pris sept magasins et 62 canons; ils se sont retirés sur l'île de Rügen, et quelque infanterie dans Stralsund. J'ai lieu de me flatter que ceux-là se lasseront les premiers de la guerre.

Si l'on voulait énumérer toutes les violences que la cour de Vienne a exercées dans cette guerre, le nombre d'infractions qu'elle a faites aux constitutions de l'Empire, et les actes contraires à la Capitulation<174> Impériale, il y aurait de quoi écrire des volumes; et si l'on plaidait devant un Grotius, on la ferait condamner à frais et dépens; mais depuis que l'on ne connaît plus de loi que celle de la force, depuis que la violence a pris la place de l'équité et de la justice, il n'y a plus que l'épée qui puisse soutenir les droits germaniques, et ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que, tandis que nous combattons pour les libertés de ce corps, ils se joignent contre moi à leurs tyrans.

La lettre, ma chère sœur, que vous m'envoyez,174-1 est d'un certain Leutrum,174-2 homme décrié de mœurs, auquel je ne réponds pas, et qui, de plus, est sujet à des accès de folie.

Je suis charmé de ce que vous ayez musique, et que vous commenciez à vous dissiper un peu; croyez-moi, ma chère sœur, il n'y a de consolant dans la vie qu'un peu de philosophie et les beaux-arts. J'ai ici mes deux nièces qui sont arrivées de Schwedt;174-3 mon frère Ferdinand n'est pas encore entièrement remis de sa fièvre chaude,174-4 mais cependant hors de danger.

J'ai toujours beaucoup d'affaires et de préparatifs à arranger, pour la campagne prochaine. Je vous jure que je bénirai le Ciel le jour où je pourrai descendre de la corde sur laquelle on m'oblige de danser, ne désirant que de revoir le moment où je pourrai vous assurer de vive voix de la tendre reconnaissance, de la haute estime et de tous les sentiments avec lesquels je suis, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



173-2 Vergl. S. 58.

174-1 Das Schreiben liegt nicht bei.

174-2 Vermuthlich identisch mit dem Bd. X, 246. 459—463. 486 genannten russischen Oberst Baron Leutrum.

174-3 Vergl. S. 157.

174-4 Vergl. S. 156. 157.