9823. AU LIEUTENANT-GÉNÉRAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.
Breslau, 6 mars 1758.
Monsieur mon Cousin. J'ai reçu la lettre que vous m'avez faite du 27 de février. Si le roi d'Angleterre a refusé, dans sa première réponse faite à Votre Altesse sur l'augmentation de ses troupes,288-1 d'y donner les mains, par la raison de l'impuissance où il se voyait d'envoyer les fonds, je crois qu'il se ravisera là-dessus. Je pense pénétrer les raisons qui l'ont engagé à faire cette réponse, et qui sont quelques mésentendus qui se sont élevés en Angleterre au sujet des sommes des subsides à proposer au Parlement, dont il serait trop ample de marquer ici le détail; mais je me flatte que ces différends seront bientôt aplanis, et que Sa Majesté Britannique avisera mieux sur une chose indispensablement nécessaire au soutien de la cause commune et à la conservation de ses possessions en Allemagne, enfin au rétablissement d'une paix avantageuse et glorieuse à l'Angleterre.
En tout cas, j'ai imaginé encore un moyen par où je crois que Votre Altesse ramènera ce Prince à seconder Son projet d'augmentation de troupes. C'est de parler préalablement encore avec les ministres d'Hanovre, pour les convaincre tout-à-fait de la nécessité indispensable d'une telle augmentation des troupes, puis d'insinuer et de remontrer aux états du pays que, dans la situation où les affaires se trouvent aujourd'hui, et si les choses restaient sur le pied que jusques ici, les états [du] pays d'Hanovre seraient obligés de se dépouiller de tout pour payer les grosses contributions que les Français demandaient d'eux, de sorte qu'ils se verraient à la fin abîmés et dépouillés de tout; qu'ainsi eux, les états, pour prévenir une désolation générale du pays, devaient se résoudre de faire une représentation au Roi leur maître que, plutôt que de se voir entièrement abîmés par les Français, si jamais ceux-ci devaient rentrer dans le pays, les états aimeraient mieux de payer l'argent que, sans cela, les Français leur arracheraient, pour une augmentation des troupes à la défense du pays, que de se voir, sans cela, entièrement dépouillés de tout par les énormes exactions des Français. Je suis entièrement persuadé qu'une telle représentation de la part des susdits états auprès de Sa Majesté Britannique opèrera si bien sur son esprit qu'elle mettra tout en œuvre, pour que les Anglais se chargent de fournir les fonds pour l'entretien de l'augmentation des troupes, en sorte que la représentation des états ne sera proprement que pour la forme et pour presser indirectement cette augmentation.
Quant aux opérations de guerre, j'ose me flatter que Votre Altesse éprouvera à présent la vérité des sentiments où je suis,288-2 qu'en agissant offensivement on réussit ordinairement, et que cela fait un bon effet.<289> J'applaudis fort à ce que vous ne voulez la garnison de Nienburg que prisonnière de guerre. Il ne suffira pas que Votre Altesse déblaie les ennemis du pays d'Hanovre, ce que je n'ai pas compté pour la chose la plus difficile, mais la principale est que vous lui289-1 causiez autant de mal et de pertes que possible, pour l'affaiblir et pour lui anéantir beaucoup de monde. Je vois que, comme les Français ont établi de gros hôpitaux à Hanovre, tout ce qu'il y a de malades, sera à vous.
L'expédition que mon cher neveu le prince héréditaire a faite à Hoya, a été très jolie et bien conduite. Il n'y a qu'une seule chose que j'oserais lui reprocher, si cela dépendait de moi, c'est qu'il n'a pas pris toute la garnison prisonnière de guerre. Je m'en console cependant, parceque je suis sûr qu'à l'avenir, et quand il en retrouvera les occasions, il se gardera d'être trop débonnaire et ne se laissera pas intimider par de petits secours289-2 que l'ennemi voudra envoyer, mais qui ne sauraient rien changer aux affaires.
Au surplus, je ne doute nullement que, dès que Votre Altesse aura fini avec Nienburg, Elle ne marche d'abord sur Minden ou Hameln, savoir selon que les circonstances le demanderont. Je ne doute pas, d'ailleurs, que Votre Altesse n'ait commandé le prince de Holstein avec ses hussards et dragons et avec quelques bataillons d'infanterie pour entamer et attaquer l'arrière-garde de l'ennemi, afin de la ruiner et l'anéantir au possible, avant qu'elle sorte du pays.
Mon frère Henri me marque que les Français s'enfuyaient vers Cassel.289-3 Voilà cependant où ils ne sauraient avoir de grands magasins ni y subsister longtemps. Si cet avis est sûr et fondé, et que Votre Altessse marche sur Minden et de là au pays de Paderborn et vers Lippstadt, non seulement Elle coupera par là Saint-Germain,289-4 mais obligera encore l'ennemi absolument de se retirer bien plus en arrière.
En gros, je vous prie de considérer qu'à la vérité vous avez beaucoup fait de chasser l'ennemi du Hanovre, mais que ce n'est pas encore là le plus grand avantage que vous sauriez en tirer, et qui consiste à bien profiter de la bredouille et confusion de l'ennemi, pour le presser vivement et ne pas lui laisser le temps de se reconnaître, mais de tomber sur l'un des corps, soit Saint-Germain, soit de Clermont, pour le bien rosser et le châtier sensiblement. En exécutant ceci, vous en retirerez le profit que vous et vos troupes aurez des quartiers tranquilles, jusques au mois de mai ou de juin. Ce vaut bien la peine des fatigues que vous serez obligé d'y employer encore, mais que vous supporterez, à ce que je me persuade, avec plaisir, vu qu'il faut de toute nécessité que cela se fasse. Je suis avec ces sentiments que vous me<290> connaissez, Monsieur mon Cousin, de Votre Altesse le bon et tout affectionné cousin
Federic.
Je pars dans quelques jours pour le siège de Schweidnitz.
Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin. Der Zusatz eigenhändig.
288-1 Vergl. S. 250. 251.
288-2 Vergl. S. 147. 219. 251.
289-1 Sic.
289-2 „Secours“ im Concept, die dechiffrirte Ausfertigung hat: „ouvertures“ .
289-3 Vergl. S. 279.
289-4 Saint-Germain befehligte das Corps, das vorher in Bremen gestanden hatte. Vergl. S. 190. 205.