9851. AU LIEUTENANT-GÉNÉRAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Landshut, 18 mars 1758.

Monsieur mon Cousin. J'ai reçu avec satisfaction la lettre que Votre Altesse m'a faite du ro de ce mois, et suis bien aise d'avoir appris le petit avantage que les miens ont eu sur quelques troupes ennemies.315-1 Que je serais charmé d'apprendre bientôt que vous eussiez remporté de plus grands et de plus décisifs sur l'ennemi!

Quant aux autres circonstances, par rapport à votre situation-là, je vous conseillerais de ne pas laisser Minden derrière vous dans les mains de l'Impératrice-Reine. Ce n'est pas parceque cette ville m'appartient en propre, ni que ce soit un poste extrêmement considérable, mais plutôt parceque c'est toujours un bon poste où il ne faut pas laisser nicher les ennemis derrière vous, qui, au moindre échec que, contre toute attente, vos troupes auraient, ne laisseraient pas que d'incommoder fortement.

D'ailleurs, je ne vous conseillerais pas d'aller droit sur Münster, qui est un pays très mauvais par son terrain et propre à être chicané par un ennemi, et où je crains fort qu'en courant là contre le seul Saint-Germain et en laissant l'ennemi derrière vous, il ne vous arrive le même cas et les mêmes malheurs qui arrivèrent autrefois au duc de<316> Cumberland, au lieu que, si, après la prise de Minden, vous vous tournerez vers le côté de Paderborn ou vers Lippstadt, vous verrez que tout ce qu'il y a là d'ennemis, s'enfuira au diable.

Au surplus, je vous conseille encore de ne pas vous séparer trop en corps, mais de vous tenir en quelque façon rallié ensemble, pour ne risquer pas trop. Ce qui vous saurait importer le plus, c'est que, dans quelque lieu que vous saurez les ennemis en cantonnement, hormis le pays de Cassel qui est trop montagneux, vous tombiez dans leurs quartiers, pour leur aller sur le corps et les combattre vivement. De cette façon-là, vous dissiperez les forces de l'ennemi, et vous ferez au mieux vos affaires, au lieu que si, par ménagement à ne pas vouloir venir aux mains avec eux, vous leur laissez le temps de se reconnaître et de revenir de la bredouille où vous les avez jetés si heureusement, vous risquerez beaucoup.316-1

Pour ce que vous désirez touchant mon frère Henri,316-2 je suis bien fâché de vous dire que cela ne peut pas se faire, et qu'il faut qu'à la fin du mois présent mondit frère retourne vers la Saxe. Vous pénétrerez la nécessité qui m'y oblige, quand vous songerez que je n'ai actuellement que 9 bataillons à présent en Saxe, que les Autrichiens commencent à former des corps aux frontières, et qu'il est, en conséquence, indispensablement nécessaire que je retire ce que le Prince a de troupes sous ses ordres, pour retourner en Saxe. Avec cela, je me vois obligé de vous dire d'ailleurs que je ne saurais guère aussi vous laisser longtemps encore les régiments de dragons et les hussards sous le prince de Holstein, et qu'à peu près à la fin de ce mois je me verrai nécessité de les retirer à moi pour ma propre défense,316-3 de sorte que j'ai bien voulu vous en avertir d'avance, afin que vous tâchiez de frapper en attendant les grands coups que vous voudrez faire.

Au reste, nous commencerons en peu de jours le siège de Schweidnitz, que je couvrirai par une armée d'observation que j'ai avancée ici, et le général Fouqué ira en attendant avec un autre corps de troupes dans le comté de Glatz, afin d'en rechasser les Autrichiens qui ont tenu occupé là le pays depuis quelque temps. Je me flatte que nous aurons achevé tout cela dans un temps d'à peu près quinze jours.

Je suis avec cette considération et estime que vous me connaissez invariable, Monsieur mon Cousin, de Votre Altesse le bon cousin

Je n'ai point de méfiance en vous, mon cher! vous pouvez bien le croire. Mais une règle que je me vois obligé d'établir indispensablement pour l'avantage de l'État,316-4 fait que je suis obligé de lier la légèreté<317> de ceux qui parviennent aux premiers grades de l'armée, et qui, acquérant par là une trop grande connaissance de son fort et de son faible, pourraient s'en servir à son préjudice. Le hasard fait que cela tombe sur vous. Faites seulement cet acte que je regarde comme superflu de votre part, mais qui sert de planche pour les autres, parcequ'il m'est impossible d'introduire dans la connaissance intime de mes affaires des gens qui peuvent être aujourd'hui à moi, demain chez mes ennemis. C'est contre toute la prudence.

Federic.

P. S.

Je viens de recevoir encore la lettre que Votre Altesse m'a dépêchée par estafette du 13 de ce mois. Je serais fâché que, sur de légers scrupules, vous voudriez refuser cette marque de distinction que je voudrais bien vous donner avec le plus grand plaisir du monde, ne pouvant pas moi changer de résolution que j'ai prise de ne pas donner de pareils brevets, sans avoir tiré cette promesse en question, en sorte donc que je prie Votre Altesse de vouloir bien y réfléchir encore. La chose serait bien autre, s'il y avait de l'espérance que, par quelque succession, vous sauriez devenir prince régnant de quelque État, mais, sans cela, je ne vois aucune raison qui jamais saurait vous faire quitter mon service, ainsi que, pour que Votre Altesse y songe bien, ma demande à Son égard n'est qu'une formalité, dont cependant je ne saurais pas me passer, pour ne pas laisser lieu à d'autres d'en vouloir tirer des conséquences.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin. Der Zusatz zum Hauptschreiben eigenhändig.



315-1 Nach dem Bericht des Prinzen, d. d. Hille 10. März, hatte das preussische Dragonerregiment Finckenstein, unter Führung des Obersten von Aschersleben, zwischen den Dörfern Hülsen und Bevern 4 französische Grenadiercompagnien und 400 Retter theils niedergehauen, theils gefangen genommen.

316-1 In dem Déchiffré sind die Worte „au lieu que si“ bis „vous risquerez beaucoup“ vom Prinzen unterstrichen, und am Rande ist bemerkt worden: „Quel f..... raisonnement est cela!“ [das zweite Wort nicht ausgeschrieben].

316-2 Prinz Ferdinand wünschte, der Prinz Heinrich möchte weiter bis Münden vorrücken.

316-3 Vergl. S.218.309.

316-4 Die Verpflichtung, welche den Generalen auferlegt werden sollte, die zu Generallieutenants, Generalen der Infanterie oder Generalfeldmarschällen ernannt wurden, vergl. Nr. 9821.