9871. AU SECRÉTAIRE MICHELL A LONDRES.

Grüssau, 26 mars 1758.

J'ai bien reçu votre dépêche du 7 de ce mois, et je vous sais gré des nouvelles que vous venez de m'y marquer. Cependant, je veux bien m'ouvrir confidemment à vous sur ce que je pense de la conduite du ministère anglais, qui, pour vous parler ouvertement, est telle que je n'y comprends rien, de manière qu'il me paraît que ces gens-là sont parfaitement idiots relativement à toutes les affaires du dehors et surtout à celles de l'Allemagne, ou bien qu'ils sont très malintentionnés; car, voyant à présent les heureux succès contre les troupes françaises en Allemagne et le bon train que les choses y prennent, la première idée qui naturellement devrait se présenter là-dessus à leur esprit, est de soutenir au mieux un si beau commencement. D'ailleurs, les ministres anglais ne sauraient ignorer que tous les efforts extraordinaires que la France a faits et fait encore en faveur de la Reine-Impératrice, en la secondant de fortes sommes en argent que la France emploie à Vienne et à Pétersbourg, et en envoyant de nombreuses armées en Allemagne, n'ont pour but que d'attraper le Brabant et une bonne partie des Pays-Bas autrichiens.

Un pareil accroissement de la puissance de la France, surtout de ce côté-là, étant le plus diamétralement contraire aux intérêts de la Grande-Bretagne, si à présent l'Angleterre soutenait efficacement le prince Ferdinand de Brunswick, de sorte qu'elle le mît à même de pousser vivement ses progrès contre les Français, il en résulterait immanquablement que tout le concert pris entre les cours de Versailles et de Vienne, par rapport à des cessions dans les Pays-Bas autrichiens, serait anéanti et à bas; qu'apparemment la république de Hollande se joindrait alors à l'Angleterre; que la Grande-Bretagne aurait, au surplus, la gloire d'avoir sauvé l'Allemagne et les Protestants de l'oppression; elle pourra même peut-être disposer à son gré, selon sa convenance, de quelques places cédées à la France dans la Flandre, et à<333> la fin elle donnera la loi à la France, pour faire la paix la plus glorieuse qu'elle ait jamais faite. Mais si, au contraire, les ministres anglais ne veulent rien faire et traiter avec indifférence les affaires du continent, il n'arrivera rien de tout ce que dessus, sinon que, malgré toute leur indifférence, les Français seront chassés au delà du Rhin.

Voilà des réflexions que je vous fais dans la dernière confidence, mais dont vous pourrez cependant faire votre usage, quoique toujours avec tout le ménagement nécessaire, en trouvant des occasions propres à faire vos insinuations en conséquence à milord Holdernesse et à d'autres ministres anglais bien intentionnés.

Vous savez, au reste, les conditions auxquelles je vous ai ordonné de signer la convention avec l'Angleterre.333-1 Je me flatte qu'elle le sera déjà; en tout cas, je renoncerai encore à l'envoi d'une escadre anglaise dans la Baltique,333-2 et vous vous appliquerez seulement à faire en sorte que ladite convention soit signée, pour tranquilliser Sa Majesté Britannique, et pour ne pas mettre plus d'empêchements aux autres affaires parlementaires.

Federic.

Nach dem Concept.



333-1 Vergl. Nr. 9811. 9819.

333-2 Vergl. S. 277. 285. 293.