<125> atteinte mortelle. Voilà, ma chère sœur, ce que l'on gagne à vivre: l'on voit passer ses plus chers parents qui s'évanouissent comme un ombre, l'on perd ses amis, et cela pour supporter encore quelques années de malheurs et les suivre alors. Ce n'est pas la peine de vivre, et, depuis deux ans, chagrins domestiques, pertes sensibles des personnes les plus respectables, fatalités, malheurs publics, tout s'est amassé sur ma tête. Je suis sûr et persuadé que vous y prenez part, mais je ne peux m'empêcher de vous avouer que tant de fatalités et de travers rendent ma situation terrible et accablante. Il suffisait de la mort de ma chère et digne mère pour me plonger le poignard dans le cœur,1 et que n'est-il pas arrivé depuis, et à quoi n'ai-je pas encore à m'attendre? Enfin, ma chère sœur, daignez me conserver dans votre précieux souvenir, et pensez à un frère que sera, tant qu'il respirera, avec la plus parfaite tendresse, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.


10157. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

Auprès de Königgrätz, 20 juillet 1758.

Ma très chère Sœur. Je profite d'un petit moment de loisir pour vous renouveler les assurances de ma plus tendre amitié. Vous saurez sans doute le malheur qui vient de m'enlever mon frère de Prusse;2 vous pouvez juger de mon affliction et de ma douleur. Il a eu, à la vérité, l'année dernière de très mauvais procédés envers moi;3 mais c'était plutôt à l'instigation de méchantes gens que de lui-même. Cependant, il n'est plus, et nous le perdons pour toujours. Ô vous, la plus chère de ma famille, vous qui me tenez le plus à cœur dans ce monde, pour l'amour de ce qui vous est le plus précieux, conservezvous, et que j'aie du moins la consolation de pouvoir verser mes larmes dans votre sein. Ne craignez rien pour nous et pour ce qui peut-être vous paraîtra redoutable; vous verrez que nous nous tirerons d'affaire.

Comme il y a très longtemps que je n'ai pas la moindre de vos nouvelles, cela me fait trembler pour vos jours. Pour Dieu, faites écrire par un domestique: « La Margrave se porte bien, » ou « elle à été incommodée »; cela vaut mieux que la cruelle incertitude dans laquelle je me trouve. Daignez m'en tirer par un petit mot, et soyez sûre que mon existence est inséparable de la vôtre. Je suis avec la plus tendre amitié et reconnaissance, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



1 Vergl. Bd. XV, 203. 204. 211.

2 Vergl. auch das Schreiben an den Lord-Marschall von Schottland vom 20. Juli 1758 in den: Œuvres de Frédéric le Grand Bd. 20. S. 270.

3 Vergl. Bd. XV, 492.