<26> bien vous dire en confidence; — je n'ai point voulu recourir aux subsides qu'on me donne, parceque je n'en voudrais pas être gêné sur les avantages que de bons événements sauraient me procurer.

Par ce peu de mots, vous pénétrerez à peu près ma façon de penser en gros et en général, et quoique je convienne volontiers que, sous les grands hasards que j'ai encore à risquer, il soit douteux si je puis me flatter des avantages, vous saurez en attendant vous y diriger dans le cas que la fortune me sera favorable, pour pressentir les ministres anglais jusqu'où l'on pourra compter sur ces gens par rapport à mes avantages à faire, si la fortune et les évènements me seront favorables. Autant je puis vous dire pour votre direction que j'ai déjà flatté le sieur Yorke par l'idée que, quand nous aurions préalablement fini avec les Autrichiens ici, nous pourrions alors réunir nos forces pour tomber sur la France, et c'est aussi en conséquence que vous sauriez toujours faire semblant au moins d'adopter l'idée que le sieur Pitt a prétendu attacher dans le cas d'un envoi d'un corps de troupes anglaises en Allemagne,1 quoique naturellement ce ministre, d'ailleurs assez intelligent, eût dû envisager — ce que je ne dis cependant que pour vous seul — que j'ai, outre les Autrichiens, à combattre les Russes, et que naturellement je dois la première protection à mes sujets. Au surplus, comme le chevalier Pitt me paraît être un homme bien vif et fort entêté, je crois qu'il sera très nécessaire que vous appreniez à connaître à fond sa véritable façon de penser, afin que, quand tels évènements heureux m'arriveraient que je les souhaite, nous en saurions profiter aussi avantageusement pour y faire condescendre ce ministre, autant qu'on le saura désirer.

De vous dire d'avance et actuellement déjà jusqu'où mes prétentions sauraient aller alors, voilà ce que je ne suis pas à même de faire dans ce moment-ci, et tout dépendra des évènements de cette campagne et des avantages, tout comme des progrès que nous pourrons faire sur l'ennemi; mais au sujet des idées vagues que je vous fournis, vous aurez peut-être l'occasion de vous bien orienter sur ce que l'Angleterre, les cas susdits supposés, voudra faire, et si nous pourrons nous promettre de réussir avec eux, ou si nous rencontrerons des difficultés parmi eux.

Au reste, je ne doute pas de la sagesse et de la prudence que je vous connais, que vous ne laisserez pas apercevoir, ni direz pas un mot de tout ce que je vous écris dans ce post-scriptum à âme qui vive, et pas même au sieur Michell, ni à mes ministres à Berlin, vu que c'est à vous seul que j'ai bien voulu m'expliquer dans la dernière confidence sur ces articles, afin que vous sachiez vous seul vous en diriger.

Federic.



1 Vergl. oben S. 24. Anm. 2.