10303. A LA MARGRAVE DE BAIREUTH A BAIREUTH.

[Gross-Dobritz,] 10 septembre 1758.

Ma très chère Sœur. Voici le premier jour favorable pour moi depuis six mois. Je reçois deux de vos chères lettres, et j'entrevois l'espérance de votre guérison. Ce rayon, tout faible qu'il est, ma chère sœur, me console. L'abscès ouvert et une circonstance que le médecin ajoute, me donnent un nouveau courage; mais, ma chère sœur, que les émotions de l'esprit n'altèrent pas les effets des remèdes, et pour l'amour de tout ce qui vous est cher, tâchez de conserver une tranquillité d'âme intarissable! Nous sommes bientôt à la fin de nos travaux, et, selon toutes les apparences, le bout de cette année le sera de la guerre.

Je suis accouru de ce côté-ci au secours de mon frère, et je crois que ma campagne se terminera dans la Lusace. Le maréchal Daun s'est retiré à Stolpen vers la Bohême, et mon frère a les tonneliers223-2 et les cercles vis-à-vis de lui.

J'ose ajouter à votre lettre une réponse à Voltaire;223-3 je ne sais si vous daignerez la lui envoyer, mais tout cela, ma chère sœur, ne m'intéresse que faiblement: votre personne et votre santé sont le principal! En revenant des Russes, pour prendre ce chemin-ci, j'ai vu ma sœur Amélie,223-4 qui m'a appris que de l'héritage de notre chère mère vous n'aviez pas voulu accepter la porcelaine et me l'aviez cédée : je reconnais à ce procédé votre cœur et vos sentiments; mais cette porcelaine n'en restera pas moins à votre disposition.

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Vous me demandez des nouvelles des Russes. Ils ont été bien battus et traités cruellement; nos gens n'ont fait presque quartier à personne. Ils ont laissé 26,000 morts sur la place, 2000 prisonniers, 6 généraux, 103 canons, 25 drapeaux, 82 officiers; mais malgré cette perte, il leur reste près de 40,000 combattants, ce qui n'est pas un petit embarras pour moi. J'ai fait une relation de cette affaire,224-1 fort à la hâte, mais il est impossible de comprendre cette relation, à moins que de voir le plan. Les Russes ont les officiers les plus ignorants qu'il y ait dans l'univers dans le métier de la guerre; leurs généraux ne font que des fautes grossières; le commun soldat a de la valeur. Depuis 50224-2 ans, cette armée est sans cesse victorieuse; mais si elle recevait une couple de corrections comme la dernière, cela deviendrait la plus méprisable troupe de l'univers.

Avant que de dépêcher la personne en question, je lui donnerai encore une lettre, parceque je crains224-3 qu'ensuite messieurs les cercles ne nous barrent le chemin.224-4

Adieu, chère sœur, mon cœur et mes vœux sont pour vous. Veuille le Ciel que vous ne me causiez plus de larmes, et que la continuation de votre reconvalescence me rassure entièrement! Je suis avec la tendresse la plus inviolable, ma très chère sœur, votre très fidèle frère et serviteur

Federic.

Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.



223-2 Vergl. Bd. XVI, 8 mit Anm. I.

223-3 Liegt nicht vor. Der Brief an Voltaire wird erwähnt in den Tagebüchern de Catt's. (Publik, a. d. Preuss. Staatsarchiven XXII, 8. 364.)

223-4 Vergl. S. 208. Anm. 3. u. S. 217.

224-1 Vergl. Nr. 10243,

224-2 Der König hatte erst 40 geschrieben, dann in 50 verändert. Er will die Siegeszeit jedenfalls mit der Schlacht bei Pultawa (27. Juni 1709) beginnen lassen.

224-3 So; statt „crois“ .

224-4 Weil der Briefüberbringer, falls er angehalten wurde, nur den folgenden, ganz unpolitischen Brief vorzeigen sollte.