10588. AU LORD-MARÉCHAL D'ÉCOSSE.
Dresde, 9 décembre 1758.
J'aime la paix comme vous le dites, mon cher Milord, autant qu'un autre, et peut-être encore par des sentiments d'humanité qui sont assez inconnus à vos politiques; reste à savoir les conditions auxquelles on peut la conclure, c'est la pierre de touche, et qui doit décider de son acheminement. Il est sûr que, si tout le monde y trouve son compte, qu'avec un coup de plume chacun pourra s'en retourner satisfait chez soi; mais s'il s'agit d'une trêve, et qu'il faudra dans quelques années se baigner de nouveau dans le sang, ce ne serait pas la peine de suspendre à présent l'exercice dans lequel on est de s'entr'égorger. Faites que ces gens qui se disent si pacifiques, commencent à articuler les conditions d'accommodement, que l'on voie où ils visent et à quoi l'on peut s'attendre d'eux : c'est par où il leur faut tâter le pouls. S'ils s'en tiennent à des paralogismes vagues, c'est un signe certain qu'ils n'ont d'autre but que de semer la défiance et la zizanie entre mes alliés et moi; s'ils s'expliquent, s'ils parlent, je pourrai communiquer leurs propositions à mes alliés — desquels je ne me séparerai jamais —, et ces ouvertures pourront donner lieu à une négociation en forme ou à la tenue d'un congrès.
Voilà mes idées, je les crois justes et naturelles. Voir venir, faire parler les autres, se concerter avec mes alliés, c'est ce qui me convient et que je dois faire; mendier la paix, fléchir devant des ennemis qui m'ont persécuté d'une manière cruelle et atroce, voilà ce que je ne ferai jamais.
Adieu, mon cher ami, je pars demain pour Breslau où j'établis mon quartier. Vous assurant de la constance des sentiments que je vous ai voués pour la vie.
Federic.
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.