Mon frère a la grosse masse de l'armée de Daun vis-à-vis de lui; s'il détache, il faut nécessairement que des troupes de Silésie filent en Saxe, pour reprendre la place de ceux qui partent.1 Les Autrichiens prendront le réveillon du bruit de ces grands mouvements, et ils détacheront aux Cercles pour les fortifier; il en résultera que nous aurons une guerre d'hiver dans l'Empire, qui premièrement m'empêchera de recruter et d'exercer l'armée, et qui m'affaiblira; secundo, si je fais ce détachement, et que les Autrichiens se mettent en mouvement, tant en Haute-Silésie que vers Zwickau et Chemnitz, il ne me sera plus possible de mettre mes arrangements à fin, et je gâterai toute ma campagne. De plus, comment pourrai-je détacher contre les Russes, détachement plus important et plus nécessaire que celui de Main, si je me trouve affaibli d'avance? et d'où prendre les troupes, pour faire tête aux Autrichiens? Comptez leurs 120000 hommes, 15000 de l'Empire, 70000 Russes, 18000 Suédois: cela fait 223000 hommes, auxquels, si tout me réussit avec mes recrues, je pourrai opposer 110000 hommes, ce qui fait à peine la moitié de leur nombre. J'ai vu et éprouvé à Hochkirch les tristes suites qu'une armée doit craindre, quand elle s'affaiblit trop par des détachements: je n'avais que 26 bataillons à opposer à Daun, qui m'attaqua avec 94.
Voilà ce qui m'oblige à tenir toutes mes forces ensemble et à voir si la politique ou les évènements ne me seconderont pas. Ces évènements peuvent consister dans la mort du roi d'Espagne, dont l'héritage litigieux à l'égard de Don Carlos et de Don Philippe en Italie pourra facilement allumer le feu de la guerre2 en Lombardie et brouiller même ces chers amis qui, comme des brigands, se sont unis pour me perdre. Les Turcs arment, l'Empereur veut venir à Adrianople, et si la guerre s'ensuit, je pourrai respirer; et alors on pourra faire des projets auxquels mon impuissance m'empêche d'oser penser à présent.
Vous pouvez juger du rôle difficile que j'ai à jouer par la supériorité de mes ennemis, par la nécessité de garnir toutes mes forteresses, d'avoir des magasins partout et par les courses étonnantes qu'il faut faire faire aux troupes pour arriver à temps. Voilà, mon cher, ce qui m'a déterminé à attendre les évènements et pour voir s'ils tourneront à mon avantage. Je suis fâché de ne pouvoir pas vous assister, mais ne l'attribuez qu'au manque de mes forces qui ne sont pas suffisantes pour faire face de tous les côtés.
Adieu, mon cher Ferdinand, je vous embrasse de tout mon cœur, vous assurant de la sincère tendresse avec laquelle je suis votre fidèle ami
Federic.
Nach Abschrift der Cabinetskanzlei. Die Ausfertigung war eigenhändig.3
1 Vergl. S. 5.
2 Vergl. S. 6. 17.
3 Im Kriegsarchiv des Grossen Generalstabs konnte man sie nicht auffinden; sie ist gedruckt (vielleicht nicht fehlerfrei) im Militärwochenblatt von 1838, S. 22 und bei Westphalen a. a. O. Bd. III, S. 127 ff.