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Je vous dirai donc en peu de mots que, les environs de Torgau, de Leipzig et de Belgern m'étant assez connus, il ne me semble pas que le terrain doive tant vous embarrasser,1 et qu'au cas que vous ne veuillez rien faire dans les circonstances où vous vous trouvez, il pourrait très bien arriver que l'ennemi vous resserrât de manière à ne pouvoir plus rien faire efficacement contre lui.

Les Russes, avec le corps de Laudon, se sont mis avant-hier en marche vers Herrnstadt. J'y ai envoyé mon armée, qui y campe vis-à-vis de l'ennemi, ayant Herrnstadt entre elle et lui. Je ne puis point prévoir encore combien de temps l'ennemi s'arrêtera dans sa nouvelle position, ce qui m'empêche de me mettre en marche pour exécuter mon plan. Je n'ai donc qu'à ajouter à la présente que l'ennemi a trouvé moyen de brûler Herrnstadt par le feu de son canon, ce qui n'a pu être empêché, quoi qu'on ait pu faire de notre part.

Federic.

Nach dem Concept.


11549. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.

Sophienthal, 24 octobre 1759, après-midi.

Dans ce moment, les Russes et les Autrichiens sont marchés à Bojanowo en Pologne; les Russes prendront le chemin de Posnanie, et les Autrichiens marcheront par la Pologne jusqu'à Czenstochau, d'où ils se proposent d'aller à Oppeln, pour se rendre en Haute-Silésie.2

Comme je me trouve à présent en état de faire marcher un corps en Saxe, quoique je ne puisse encore le conduire moi-même, je vous demande de quel côté il peut vous être le plus utile: si vous voulez qu'il marche droit sur Dresde ou à Torgau, ou qu'il se poste sur le flanc des Autrichiens à Belgern, pour les canonner? Enfin, marquezmoi3 de quelle façon vous voulez qu'il marche.

Depuis que vous avez passé l'Elbe, mon cher frère, vous n'êtes plus le même:4 Finck vous a rempli l'esprit d'idées noires. Je vous prie, pour l'amour de Dieu, de penser d'une façon différente et avec plus de nerf; car, si vous voulez que je vous parle franchement, je n'approuve point ce trou de Torgau5 qui ne vous convient pas; tout cela ne souffle ni froid ni chaud. Je vous avertis encore d'une chose, prenez-y garde : c'est que, lorsque Daun apprendra qu'il y a un détachement en chemin, ou pour vous joindre ou pour faire une diversion, il engagera une bataille à tout prix.

Federic.

Nach dem Concept.



1 Vergl. S. 601.

2 In einem Schreiben, d. d. Sophienthal 22. October, wird dem Minister Schlabrendorff mitgetheilt, dass der Generalmajor von Werner Befehl erhalten habe, die Brücke bei Oppeln zu zerstören. Schlabrendorff soll aussprengen lassen, dass der König „mit der Armee dahin im Anmärsche begriffen seie“ . [Berlin. Generalstabsarchiv.]

3 In der Ausfertigung (Déchiffré): marquez-moi bientôt.

4 Vergl. Nr. 11545.

5 Prinz Heinrich hatte in dem Bericht vom 20. (vergl. S. 603. Anm. 6) gemeldet, dass er am 17. mit der Armee in Torgau eingetroffen sei.