<612> me marquer jusqu'à quel point vous jugez qu'elles se puissent réaliser. L'Angleterre étant maîtresse du Canada, de la Guadeloupe et peut-être, même avant le printemps, de la Martinique qui doit tomber d'elle-même, les succès dans les Indes Orientales qui ont procuré dans cette partie du monde des avantages sur les Français dont nous ne savons encore toutes les suites et qui doivent être considérables : tout ceci, ce me semble, peut dispenser l'Angleterre de la déclaration dont nous étions convenus,1 puisque ses ennemis sont obligés de lui demander ce qu'elle allait leur offrir. Il ne s'agit donc ici que des conditions de la paix. L'Angleterre fera certainement des acquisitions très avantageuses, soit en gardant le Canada, en entier ou bien en partie, soit en conservant quelqu'une de ses conquêtes et en restituant le reste.

Mais examinons ici l'avantage qui pourra résulter pour les Anglais et pour nous en Europe. Le premier, ce me semble, vu le sacrifice total que la France fait de ses alliés, doit être que l'Angleterre doit prendre cet ascendant en Allemagne dont la France a été si longtemps en possession, ce qui ne saurait qu'être avantageux pour nous, puisqu'en même temps il écarte l'influence que la Russie pourrait prendre, et que l'Angleterre et la Prusse seront suffisantes pour contrebalancer l'Autriche.

Je pense, d'ailleurs, que ce serait un temps favorable aux pays de Hanovre et de Brandebourg pour faire des acquisitions aux dépens des Ecclésiastiques. Qui est-ce qui s'opposera à la sécularisation des évêchés de Münsteret d'Osnabrück en faveur de Hanovre? qui s'opposera à celle de Hildesheim, en faveur de la Prusse à la mort de l'évêque? et puis, n'y aurait-t-il point de troc à faire du duché de Clèves, de la Gueldre prussienne et de la principauté de Mœurs contre le Mecklembourg? Ne pourrait-on pas également donner Nordhausen à la Prusse, Duderstadt et Erfurt à la Saxe en faveur de la cession de la Basse-Lusace et de quelques parcelles enclavées dans les États de la Prusse? ou n'y aurait-il pas à stipuler la cession de la Prusse polonaise après la mort du roi de Pologne, la ville de Danzig restant libre sous la domination de la Prusse, en sécularisant en même temps l'évêché de Varmie ?

Je suis bien éloigné de penser que tout cela serait faisable, mais ce ne sont que des points sur lesquels il ne sera pas mal de pressentir les sentiments des ministres anglais et des puissances qui voudront faire la paix, et je crois que, pourvu que l'on veuille stipuler quelques avantages réciproques, soit pour les Russes ou bien en faveur du roi de Pologne, que tout ceci pourra s'arranger. Ajoutez à cela que la vénalité du ministère russien peut faire prospérer une somme d'argent bien employée, qui terminerait toute cette négociation, et que, dès que nous aurons la France et la Russie, la cour de Vienne sera bien obligée à en passer par où nous voudrons.

Ceci n'est qu'un canevas grossier qui demande d'être travaillé, et dont le secret doit être gardé; mais dès que nous ouvrons la porte à



1 Vergl. Nr. 11532.