10659. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.
Breslau, 15 janvier 1759.24-1
J'ai bien reçu la lettre que vous m'avez faite du 29 de décembre, et vous remercie de l'attention que vous avez eue pour me mander des nouvelles de France au sujet de la disgrâce du cardinal de Bernis,24-2 dont apparemment on développera bientôt le véritable motif. Mes lettres de Hollande24-3 ont voulu m'assurer que la France veut retrancher cette année la moitié des subsides qu'elle donne à ses alliés, et l'employer au rétablissement de sa marine, et qu'elle ne veut garder à l'armée de Soubise que les bataillons de Würzburg et renvoyer le reste en faisant dire qu'elle n'en avait plus besoin. Si ces avis se trouveront fondés, l'on en voit assez clairement qu'on n'y sait plus soutenir la guerre, mais que, nonobstant cela, il y a des gens qui s'opiniâtrent de la continuer, parmi lesquels il faut compter principalement la Pompadour, la Dauphine et le duc de Choiseul. C'est aussi pourquoi je doute fort encore qu'ils voudront faire des propositions de paix cet hiver, ce que leur orgueil et les intrigues qui y règnent ne leur voudront pas encore permettre.
J'ai vu, d'ailleurs, les propositions que le sieur Gentil24-4 a bien voulu me faire, et je lui sais gré de l'attention qu'il m'a voulu marquer; mais comme ses opérations de finances qu'il propose, se fondent sur des engagements des revenus de ma province de Neuchâtel, je ne saurais pas les goûter, de sorte que vous lui direz que cette sorte d'opération n'était pas ni de mon goût ni de ma convenance, mais que, s'il avait d'autres opérations à proposer qui ne supposaient pas de mettre en hypothèque quelqu'une de mes provinces, on l'écouterait favorablement.
Je dois, au surplus, vous informer, quoique pour votre direction seule, encore d'une affaire qui proprement me regarde en rien, mais dont peut-être le ministre du roi de Pologne, le comte de Brühl, selon ses menées ordinaires, voudrait faire un mauvais usage en lui donnant une fausse tournure, en la brodant, à son ordinaire, par des mensonges. C'est que le jour d'avant de mon départ de Dresde vers ici, j'avais donné ordre aux miens de faire couper une quantité des bois dans les<25> forêts de la Saxe à différents usages. Le grand-veneur de Saxe, comte de Wolffersdorff, vint trouver mon lieutenant-général comte de Schmettau, à présent gouverneur de Dresde, pour faire des représentations contre ces abattis, en ajoutant que, pourvu qu'il saurait avoir un passe-port pour aller à Varsovie, il y passerait lui-même représenter au Roi son maître l'état calamiteux de la Saxe, qui serait suivi de sa ruine entière, à moins que ce prince ne prît le parti de faire son accommodement avec moi. Comme ledit général Schmettau m'en fit son rapport, je n'y pris guère attention et lui fis dire qu'il lui était libre d'aller où bon il lui semblait. Sur quoi, il partit, muni d'un passe-port du général Schmettau. Quoique, du depuis, je n'ai guère plus pensé à cet homme, j'apprends cependant, par des lettres de Varsovie, qu'étant arrivé à Varsovie, il doit avoir saisi le moment de sa première audience pour faire à son maître une ample description des malheurs auxquels [la Saxe] était exposée et le serait encore tant que cette guerre durerait; à quoi cependant il ne doit avoir reçu que des réponses indifférentes et froides.25-1 Mais comme à la suite bientôt la ville de Varsovie a été remplie de bruits comme si j'avais fait faire à la cour des propositions de paix par le sieur Wolffersdorff, et qu'on en a eu avis à Dresde, mon susdit lieutenant-général Schmettau a d'abord écrit une lettre bien sérieuse au sieur Wolffersdorff à ce sujet,25-2 pour l'avertir que, si jamais il avait osé tenir des propos pareils, et qu'en lui permettant, sur ses instances, de faire un voyage à Varsovie, on l'aurait chargé de quelque commission que ce soit, il avait dit une chose nullement fondée, dont il lui donnerait un démenti public, s'il lui arriverait de tenir des propos aussi faux et controuvés que ceux-là.
Quoique cette affaire ne vaille guère la peine de vous en faire un long détail, cependant, comme le comte de Brühl, fertile en mensonges, quand il s'agit de me calomnier, saurait en faire des micmacs auprès des cours étrangères, j'ai cru nécessaire de vous en prévenir, afin que, s'il arrivait que ces faux bruits là-dessus passeraient jusqu'en Angleterre, vous soyez à même de vous expliquer tout naturellement et en conformité de ce qui s'est passé au vrai là-dessus, et de donner, d'ailleurs, un haut et formel démenti à toute autre tournure qu'on y voudrait donner. Vous observerez avec cela que, pourvu qu'on ne parlera pas de cette affaire là où vous vous trouvez, vous n'en parlerez pas de votre propre mouvement.
Federic.
Nach dem Concept.
<26>24-1 Ein Schreiben vom 14. Januar an Frau von Wreech vergl. in den Œuvres Bd. 16, S. 21.
24-2 Vergl. S. 1.
24-3 Bericht Hellen's, d. d. Haag 3. Januar.
24-4 Der ehemalige Hauptmann Gentil, ein gebomer Neuchateier, hatte, London 26. December 1758, durch Knyphausen's Vermittlung ein Schreiben an den König gesandt. Nach Gentil's Plan sollte von dem Könige eine grössere Anleihe gemacht werden; als Sicherheit für die Zinszahlung sollten die Einkünfte der von den Unruhen des Krieges entfernten Fürstenthümer Neûchatel und Valangin bürgen. Die Einkünfte würden genügen, sowohl um die Zinsen aufzubringen, als auch um das Capital theilweise jährlich zurückzubezahlen; zur weiteren Tilgung des Capitals sollte zu Gunsten des Königs in Neuchatel eine Lotterie eingerichtet werden.
25-1 Vergl. S. 7.
25-2 Vergl. S. 15.