11274. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Au camp de Schmottseifen, 24 juillet 1759.

J'ai bien reçu la lettre de Votre Altesse du 19 de ce mois.443-2 Si vous avez détaché 10000 hommes443-3 de l'armée, vous en devez avoir près de 60000. Je ne comprends pas comment, avec une si grosse armée, vous pouvez avoir une aussi grande crainte des Français. Jusqu'à présent, ce n'est certainement pas eux qui ont gagné d'autres avantages sur vous que ceux que vous leur avez donnés vousmême, en leur cédant le terrain et en les laissant faire. J'avoue que je ne devine pas votre projet, car vous vous mettez à la fin dans le cas de combattre avec le plus grand désavantage. Quand l'ennemi aura réuni toutes ses forces, et que vous abandonnez vos magasins, vous vous laissez entièrement déranger par l'ennemi, sans vous opposer<444> d'aucun côté à ses entreprises, et je m'étonne seulement qu'il ne vous ait pas déjà pris Hanovre.

La proportion de votre armée est de 6 contre 8, la proportion de mon armée contre celle de l'ennemi est de 5 à 10, or, il est très certain que je serais plus en droit de vous demander du secours que vous m'en demandez. Je ne dois point précipiter les choses, à plus forte raison ne point donner des batailles mal à propos; vous pouvez être sûr que mes armées attaqueront l'ennemi, dès que l'occasion en sera favorable; mais si un malheur arrivait et qu'il y en eut une de battue, que serait-ce alors? Vous devez bien comprendre par tout ceci que par vos retraites vous êtes cause de la mauvaise situation où vous vous êtes mis, et que tant qu'il ne nous arrivera pas un évènement favorable, vous serez obligé de compter sur vous-même.

Il me paraît bien singulier que l'ennemi trouve des postes inattaquables partout, et que vous n'en trouviez jamais de pareils pour votre armée. Vous avez pris en aversion les batailles depuis Bergen, et c'est une bagatelle que vous devriez avoir oubliée depuis longtemps. Aucun général, depuis que le monde existe, n'a livré des batailles, sans courir de grands hasards; et cependant ils en ont donné plutôt que de perdre leurs magasins et leurs établissements. Mais je vous avertis que, si vous ne profitez pas de la première occasion d'engager une affaire, avant que l'ennemi passe le Weser, que vous tomberez dans la plus grande bredouille et dans les plus grands inconvénients.

Je vous écris tout ceci, parceque je crois devoir vous écrire franchement sur la situation où vous êtes; vous ferez ce que vous jugerez à propos, mais je vous réponds bien qu'aucun homme du métier n'approuvera vos retraites continuelles, vous sachant à la tête d'une aussi belle armée que la vôtre.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.



443-2 Den Bericht, Petershagen 19. Juli, siehe bei Westphalen a. a. O. S. 374. 375. Vergl. über den Bericht auch Nr. 11275.

443-3 Nach Münster, Lippstadt, Hameln und Bremen.