11558. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.
Kœben, 31 octobre 1759.
Je vous remercie de tout mon cœur du plan que vous m'avez en voyé, à la suite de votre lettre du 24 de ce mois, de la bataille de Minden. Je l'ai vu et examiné, et j'ai fort admiré le piège dans lequel vous avez fait tomber M. de Contades. J'apprends que les Français veulent se servir des magasins que les troupes de l'Empire avaient établis dans le pays de Bamberg. Je n'en garantis pas la nouvelle à Votre Altesse, [mais]613-2 j'ai cru devoir vous la marquer, pour que vous puissiez rendre cette ressource inutile aux Français, en cas qu'ils l'aient imaginée.
Je regarde la prise de Québec et la bataille gagnée en Amérique613-3<614> comme une nouvelle très importante; toutes les nouvelles annoncent les dispositions des Français pour faire la paix; ils y sont contraints par le dérangement de leur commerce et l'épuisement de leurs finances, et je mettrais ma tête à prix, pourvu que nous finissions heureusement cette campagne, que cette grande ligue commencera à se dissoudre pendant l'hiver.
Les Russes ont quitté nos frontières, ils campent à Punitz614-1 d'où ils préparent déjà leur départ. Laudon a marché à Rawitsch.
Quoique la goutte me soit survenue, qui me retient ici au lit, je n'ai rien négligé des dispositions que je suis en état de faire. J'ai fait marcher 19 bataillons et 30 escadrons en Lusace,614-2 avec lesquels je crois qu'on pourra damer le pion à Daun. Nous ne le souffrirons pas en Saxe et, quoi qu'il en puisse arriver, nous lui ferons repasser les montagnes de la Bohême avant le commencement de décembre. J'espère en quelques jours être en état de me faire transporter, pour passer ce corps en Saxe; quelque faible que je sois, cela ne m'empêchera pas de faire mon devoir et de me présenter encore dans les bonnes occasions. Il faut s'en remettre, au reste, à la Fortune dont l'influence est si visible à la guerre que la prévoyance et la prudence ne lui sauraient ôter qu'une partie de son empire.
Je fais mille vœux pour la réussite de tous vos projets, et je crois que ce sera la dernière campagne que fera Votre Altesse contre les Français. Mais il se pourrait bien que la cour de Vienne, impérieuse et inflexible, voulût continuer la guerre par dépit même contre les Français, et, en ce cas, vers le printemps nos armées pourraient être approchées et agir de concert ensemble.
Je suis estropié, j'ai la goutte aux deux pieds, au genou et à la main; mais je crois que c'est . . . l'impératrice de Russie. Voilà ce que c'est de faire le galant à mon âge!
Federic.
Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generatstabs zu Berlin. Der Zusatz eigenhändig.
613-2 Vorlage: et.
613-3 Vergl. S. 609.
614-1 Südostl. von Lissa.
614-2 Vergl. Nr. 11552.