11800. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION BARON DE KNYPHAUSEN A LONDRES.
Freiberg, 5 février 1760.
P. S.
Après avoir déjà fermé ma lettre,63-1 il me revient d'un très bon canal des avis très intéressants que je ne saurais me dispenser de vous communiquer incessamment par les copies ci-closes. Vous devez observer que vous garderez sur ces avis un secret inviolable, et que vous n'en communiquerez rien à personne, hormis qu'au seul sieur Pitt, à qui vous les ferez lire in extenso le plus tôt possible que vous pourrez. Il faut bien que j'use de cette précaution, pour ne pas perdre le canal d'où ils me reviennent.
Vous le sonderez d'ailleurs si, au cas qu'on voulût mettre en œuvre le complot que l'Impératrice-Reine trame contre moi en France pour détacher encore Broglie en Saxe, afin, selon sa façon de s'exprimer, de m'écraser et de faire prendre une tournure des plus avantageuses à ses affaires, si, dis-je, il ne conviendrait pas alors de travailler efficacement pour lui lâcher la Porte Ottomane, afin de faire diversion à ces complots pernicieux.
Je viens de recevoir, d'ailleurs, la nouvelle fâcheuse de la mort du landgrave de Cassel63-2 qui nous fait un nouvel évènement; car outre que je ne me suis jamais trop fié à la fermeté et à la conduite de son successeur, je suis certain que la cour de Vienne et même les Français remueront au possible pour nous le détacher et le tirer en son parti.
Il ne me reste qu'à vous dire encore que, le prince Ferdinand m'ayant marqué la nécessité qu'il avait des troupes alliées qu'il m'avait envoyées, je n'ai pu les lui refuser; aussi retourneront-elles63-3 au premier jour, pour ne pas le mettre en peine, quelque critique que soit encore ma situation ici.
Vous voyez par toutes les pièces que je vous envoie, que le péril s'accroît, et que cela devient plus sérieux de jour en jour. Ce que je vous communique, doit être très caché, ou le canal sera perdu. Ainsi il faut bien ménager ces nouvelles. Je mets toute mon espérance dans vos soins et dans l'habileté que vous aurez d'exécuter ce dont je vous charge le mieux que possible.
Federic.
de Paris, le 15 janvier.63-4 Il ne paraît pas que les propositions de paix faites par nos ennemis fassent beaucoup d'impression à la cour de Vienne. L'Impératrice - Reine est déterminée à<64> pousser la guerre avec toute la vigueur possible, et pour faire prendre une tournure des plus avantageuses aux affaires, le général Laudon va assembler une armée de 25 à 30000 hommes pour tâcher de pénétrer en Saxe, pour tourner les ennemis et leur couper les vivres qu'ils tirent de la Thuringe et du plat pays. Sa Majesté l'Impératrice-Reine se promet une heureuse issue de cette entreprise et se flatte d'obliger le roi de Prusse à se retirer au delà de Torgau. On attend le succès de cette entreprise avec impatience, afin de donner des quartiers d'hiver aux troupes. Il se ménage une entreprise de conséquence entre nos troupes et celles de l'Impératrice-Reine. Le général Daun demande que le maréchal duc de Broglie soit chargé de cette expédition et qu'on lui donne des troupes étrangères. Celte affaire n'est point encore déterminée et ne le sera qu'après qu'il sera résolu d'assembler le congrès ou de le refuser.
Tâchez de savoir au juste et précisément les demandes des Anglais, afin qu'on sache positivement quel parti prendre. Il n'est pas encore décidé si le maréchal de Soubise commandera sur le Bas-Rhin. Bien des gens le veulent, mais d'autres pensent différemment. Je ne peux encore rien dire de positif de l'Espagne; Sa Majesté Catholique n'est encore décidée à rien de formel pour nous.
de Paris, du 18 janvier.
La cour est toujours indécise sur le parti qu'elle doit prendre. La paix lui paraît avantageuse, mais les partisans autrichiens s'y opposent de toutes leurs forces. Le maréchal duc de Broglie ne pense pas de même, quelque obligation qu'il ait à la maison d'Autriche. Ce maréchal, qui se réconcilie peu à peu avec le vieux Belle-Isle, a écrit à ce ministre, qui l'avait consulté sur ce qu'il pensait de la paix, que, pour lui, si on lui demandait son conseil sur ce qu'il conviendrait de faire dans les circonstances présentes, il ne balancerait pas un instant de conseiller à Sa Majesté d'accepter le congrès et de nommer des ministres en état d'y ménager les intérêts du Roi; qu'on se promettait beaucoup de la campagne prochaine, mais que l'issue n'en serait peut-être pas telle qu'on se le promettait. Le vieux Belle-Isle a fait voir cette lettre au Roi, et Sa Majesté lui a dit que Broglie se faisait reconnaître en tout pour un honnête homme, mais que, puisque Sa Majesté se trouvait en alliance avec l'Impératrice-Reine et l'électeur de Saxe, sa bonne foi et l'amitié qu'elle avait pour madame la Dauphine, l'obligeaient à ne point entrer en conférence avec leurs ennemis que de concert avec ses alliés. Cette résolution est une suite des démarches du duc de Choiseul, qui a gagné les principaux courtisans, qui ne prêchent que la bonne union avec la cour de Vienne. Le fameux maréchal de Soubise est aussi du nombre des bons Autrichiens, qui sont peut-être les plus grands ennemis de l'Etat. Le vicomte d'Aubeterre64-1 pense comme tous les bons Français dans cette occasion, comme il paraît par ses dernières dépêches, dans lesquelles il marque que, dans une entrevue particulière avec le roi d'Espagne, ce monarque lui avait demandé à quoi se déterminerait le Roi dans les circonstances présentes, et qu'il lui avait répondu que peut-être Sa Majesté, conseillée par des amis de la cour de Vienne, se déciderait pour continuer la guerre, et que Sa Majesté Catholique ne lui avait rien répondu. Ces circonstances sont extrêmement embarrassantes, et on gémit sur l'effusion du sang innocent pendant la campagne prochaine.
de Paris, du 18 janvier.
II y a une négociation sur le tapis entre la cour de Versailles et celle de Vienne pour écraser le roi de Prusse dès l'ouverture de la campagne, et que le duc de Broglie doit se rendre en Saxe avec 40000 hommes pour seconder le maréchal Daun.
Nach dem Concept. Der Zusatz eigenhändig auf der im übrigen chiffrirten Ausfertigung. Die Beilagen nach einer Abschrift.
<65>63-1 Vergl. Nr. 11798.
63-2 Vergl. S. 62.
63-3 In der Vorlage: „ils“ .
63-4 Die Beilagen waren vom Prinzen Ferdinand von Braunschweig, Paderborn 31. Januar, eingeschickt worden (vergl. Nr. 11799). Der erste Brief ist vom Minister Choiseul, der zweite von Rouillé, der dritte vom Abbé de Ville.
64-1 Der französische Gesandte in Madrid.