11878. AU PRINCE HENRI DE PRUSSE.
Prinz Heinrich übersendet, Wittenberg 27. Februar, das folgende Schreiben des Barons Bielfeld, d. d. Hamburg 22 février 1760:
„J'ai reçu hier au soir assez tard la lettre que Votre Altesse Royale m'a fait l'honneur de m'écrire de Wittenberg en date du 15 de ce mois, et je me suis rendu ce matin chez l'ami qui m'avait fait la première proposition, dont j'ai eu l'honneur de faire ouverture à Votre Altesse Royale le 9 du courant. Je l'ai trouvé constamment dans les meilleures dispositions du monde pour la cause du Roi et plein de zèle pour les intérêts de Sa Majesté. Il m'assura qu'outre son penchant naturel, il ne faisait que suivre en cela les intentions de son maître qui est, disait-il, très bon Prussien. Pour pouvoir donc satisfaire avec quelque précision aux cinq questions que Votre Altesse Royale m'adresse, voici, Monseigneur, ce que je puis répondre.
10 L'ami susmentionné est le baron de Rœangstdt, envoyé du grand-duc de Russie au cercle de la Basse-Saxe. Il m'a permis de le nommer. C'est un parfaitement honnête homme qui peut avoir cinquante ans, qui a été beaucoup employé et qui est fort en crédit à sa cour.
<141>2° Je serai charmé d'être nommé dans cette affaire, pour que le Roi sache que ni le temps ni l'éloignement ne sont pas capables d'affaiblir en moi l'ardeur dont j'ai toujours été animé pour son service, et parcequ'il ne serait guère possible d'aller plus avant dans cette négociation sans mon concours, M. de Rangstædt ayant les plus fortes raisons du monde pour cacher qu'il y coopère et ne voulant traiter qu'avec moi et n'osant point former publiquement les moindres liaisons avec le ministre résident du Roi en cette ville.
3° L'espoir presque certain du succès de cette négociation est fondé sur la connaissance intime qu'a M. de Rangstædt de la façon de penser du Grand-Duc, qui deviendrait sous main le premier négociateur pour le Roi, pour peu que Sa Majesté le voulût bien et qu'il fût secondé. Secondement, sur les sentiments de l'Impératrice même, qui a été entraînée presque malgré elle à la guerre, et qui la continue à contre-cœur. Troisièmement, sur la persuasion très fondée où l'on est que tout le Conseil de Russie est vénal, comme en Turquie, que la cour de Pétersbourg n'a fait agir ses troupes que tant que M. le comte d'Esterhazy et M. le marquis de l'Hôpital ont eu de l'argent à répandre; mais comme aujourd'hui les ressources pécuniaires de la cour de Vienne commencent à tarir, et que celles de la France sont entièrement épuisées, on ferait probablement tout ce qu'on voudrait avec un million d'écus à Pétersbourg, pourvu que cette somme ne fût pas distribuée directement par l'envoyé d'Angleterre, qui est trop suspect et trop observé. L'idée de M. de Rangstædt serait donc qu'on y envoyât un négociateur secret, et il propose pour cet effet M. de Pechlin, ci-devant colonel au service du grand-duc de Russie à Kiel. Je connais ce sujet. Il est fils du feu conseiller privé de Pechlin qui était premier ministre de ce Prince et attaché à sa personne à Pétersbourg. Il a quitté le service militaire par dégoût d'un passe-droit et ne veut plus y rentrer, quoiqu'on lui ait offert la place de brigadier en Russie. C'est le plus zélé Prussien que je connaisse, et il a la réputation d'honnête homme. Il connaît la Russie à fond, y a séjourné longtemps et y a eu les mains dans le tripot des affaires. Avec un extérieur assez simple, c'est un esprit délié et un négociateur capable. On voudrait donc faire passer incessamment cet émissaire à Pétersbourg, sous prétexte qu'il irait y chercher un emploi dans l'état civil auprès de son maître. Il passerait par le Danemark et par la Suède, et on s'engage à lui procurer les passe-ports nécessaires de ces deux cours. Il faudrait qu'il fût muni d'une instruction secrète et bien détaillée des intentions de Sa Majesté et jusqu'où il peut aller. Pour gagner du temps, M. le comte de Finckenstein pourrait lui envoyer ces instructions ici.
4° Quant à l'argent, il est certain qu'un million fait une très grosse somme en elle-même, mais une bagatelle vis-à-vis du grand objet qu'on se propose. Aussi ne voudrait-on pas risquer toute la somme à la fois. M. de Pechlin ne demanderait d'abord que 4000 ducats, pour faire un petit équipage et être en état de se présenter à la cour de Pétersbourg sur un pied convenable pour se faufiler dans le grand, pouvoir vivre avec le Grand-Chancelier, les ministres etc. et former bien ses liaisons. Mais il serait nécessaire que M. de Keith, ministre d'Angleterre, eût à sa disposition le reste de la somme que Sa Majesté destine pour cet important objet, et que Pechlin en pût faire usage à mesure que la négociation avancerait, et que M. de Keith verrait lui-même qu'il serait utilement employé. Je me fais fort de faire passer à ce ministre telle somme qu'on voudra, soit par lettres de change, soit en nature, par le paquetboot de Lübeck. Mais il faudrait que ce fût en vieux louis d'or de France ou en ducats de Hollande, dont on trouve ici tant qu'on veut. Le nouvel argent de Brandebourg n'a point cours en Russie et serait suspect.
5° Il est impossible de déterminer avec précision en combien de temps cette négociation serait achevée; cela dépendrait beaucoup du départ plus ou moins prompt de M. de Pechlin, de la diligence qu'il pourrait faire en route, de l'envoi de l'argent etc. Mais comme il paraît que la chose presse, et qu'en faisant cette expédition avec une grande célérité, on abrégerait les ravages que les troupes irré<142>gulières de Russie font tous les jours sur le territoire de Sa Majesté, M. de Pechlin, de son côté, n'épargnera ni soins ni fatigues pour voyager vite et pour venir à bout de son dessein avec la plus grande promptitude qui sera humainement possible. Le reste dépendra beaucoup du Roi.
Enfin, Monseigneur, si Sa Majesté juge à propos de faire entreprendre cette négociation, qui mettrait en déroute et confondrait toute la politique de ses ennemis, il serait nécessaire que nous fussions munis ici d'un bon chiffre, car je tremble même en écrivant ce détail-ci à Votre Altesse Royale, et je n'en garde ni minute ni copie, crainte d'accident. Il se trouve encore ici un chiffre que le feu baron Wrangel a eu avec M. le comte de Finckenstein.142-1 J'en puis disposer, car il est entre les mains du baron de Rangstœdt, pourvu que Sa Majesté en eût le duplicata là-bas.
Voilà, Monseigneur, tout ce que je puis dire au moment présent, et ce que j'ai cru devoir rapporter à Votre Altesse Royale en qualité d'honnête homme et de fidèle serviteur du Roi. Elle en fera l'usage qu'Elle jugera à propos, et Sa Majesté en disposera selon son bon plaisir; mais je ne puis m'imaginer que cette ouverture m'ait été faite par un ministre public et très ministériellement sans ordre et sans dessein p.142-2
[Freiberg,] 29 [février142-3 1760].
Mon cher Frère. Dans la situation critique où nous nous trouvons, il ne faut rien négliger. J'ai déjà agi à la vérité à la cour de Pétersbourg par le canal du sieur Keith;142-4 il y a 400000 écus là-bas à sa disposition, et s'il en fallait davantage, ce ne serait pas la difficulté; ce qui me fait cependant croire qu'il y a plus de bonne volonté que de politique dans les intentions de celui qui veut se charger de la négociation, c'est qu'il croit pouvoir beaucoup opérer par le Grand-Duc, et cela est faux : il n'y a que Pierre Schuwalow qui dispose de tout; si on peut acheter celui-là, tout le reste de la troupe est à nous.
Voici donc les mesures que j'ai prises et dont je vous prie d'avertir Bielfeld. Premièrement, les 4000 ducats seront payés, l'homme aura son instruction et pourra partir en conséquence. Je fais avertir Keith en même temps du projet, et il aura l'œil sur les manœuvres de cet homme-ci, pour que l'argent ne soit lâché qu'à propos et pour le bien des affaires.
Les lettres de France valent mieux que les précédentes, et il paraît que l'on met de l'eau dans son vin; les bourses sont vides, et c'est ce qui les rend très modérés et doux.
Adieu, cher frère, je vous embrasse de tout mon cœur, en vous assurant de la parfaite tendresse avec laquelle je suis, mon cher frère, votre fidèle frère et serviteur
Federic.142-5
Nach der Ausfertigung. Eigenhändig.
<143>142-1 Vergl. Bd. XVIII, 53. 61. 98. 120.
142-2 Ueber das obige Schreiben und über die Sendung Pechlins Uberhaupt vergl. R. Schmitt, Deutsche Zeitschrift für Geschichtswissenschaft, Bd. VI, S. 94.
142-3 Mit einem Schreiben vom 28. Februar wird dem Prinzen die Liste der Generale übersandt, „que vous aurez sous vos ordres dans le corps d'armée en Silésie que vous commanderez“ , sowie ein Verzeichniss der fur dieses und für das Manteuffelsche Corps bestimmten Regimenter.
142-4 Vergl. Bd. XVIII, 759. 771.
142-5 In einem (nicht eigenhändigen) Postscriptum werden dem Prinzen die Berichte von Goltz (vergl. Nr. 11875) und Lattorff (vergl. Nr. 11876) übersandt.