12009. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Freiberg, 15 avril 1760.

La lettre que vous m'avez écrite du 11 de ce mois, m'a donné toute la satisfaction imaginable, et j'en ai appris que nous sommes entièrement d'accord sur la façon d'agir et de nous y prendre chacun de son côté,270-1 le cas supposé que la paix entre l'Angleterre et la France se constate, dont j'avoue cependant qu'à mon grand regret je commence à désespérer, puisque par mes dernières nouvelles, tout comme vous les aurez eues de même, je m'aperçois de plus en plus qu'il faut qu'il y ait deux grandes cabales à la cour de Versailles, l'une pour la paix, l'autre contre elle, et que le duc de Choiseul, vendu à la cour de Vienne ou aveuglé, emploie tout artifice, menées et tours, pour retarder la paix.

Quant à l'envoi d'une escadre anglaise dans la Baltique, vous pouvez compter pour sûr que c'est à deux différentes reprises que mes ministres à Londres en ont sollicité ceux de la Grande-Bretagne,270-2 mais que ceux-ci l'ont refusé rondement: ainsi qu'il faut bien que vos correspondants à Londres ne vous aient pas servi exactement sur cet article, ce que peut-être vous trouverez vous-même, en prenant la peine de vous en éclaircir plus particulièrement.

Pour ce qui regarde mes affaires ici, je vous dirai que ce sera à mon frère Henri que je confierai le commandement de l'armée en Poméranie qui agira contre les Russes, et que je garderai pour moi celui de mon armée en Saxe, pour être, d'un côté, plus à portée des négociations de paix qui ne laisseront pas d'être continuées, d'un autre côté, pour rester à portée, afin d'agir d'un concert commun avec Votre Altesse, supposé qu'on vînt encore à quelque accommodement avec la France, et, en troisième lieu, pour être plus à même de secourir la Silésie, dès que je verrai clair sur les desseins de Daun, qui me paraissent être d'y rejeter principalement le théâtre de la guerre pendant la campagne prochaine. C'est aussi apparemment par celte raison qu'on a déjà renforcé le corps d'armée de Laudon dans la Moravie et du côté de la Haute-Silésie à 40 bataillons et 50 escadrons. Je ne saurais donner à mon frère Henri au delà de 60 escadrons, pour agir contre les Russes; au général Fouqué, qui commandera en Silésie, pour observer les Autrichiens, que tout au plus 14 escadrons.

Daun marchera avec la grande armée ennemie par la Lusace contre la Silésie et ne laissera en Saxe que les troupes de l'armée des Confédérés de l'Empire, dans le camp fortifié entre Dresde et Dippoldiswalde, contre lesquelles il faut que je détache 20 escadrons, de sorte<271> qu'il ne reste pour moi que 70 escadrons et 33 bataillons, dont il faut que je couvre la Silésie et m'oppose à la grande armée de Daun.

Vous vous figurerez ainsi le grand embarras et la situation critique où je me trouve, et vous jugerez, tout comme moi, qu'à moins qu'il n'arrive en Europe quelque évènement favorable à moi, je ne saurais à la longue supporter seul ce lourd fardeau, qui ne saurait que m'accabler finalement. Avec tout cela, je pénètre tout-à-fait bien que, malgré la bonne volonté que vous sauriez avoir pour moi, vous ne sauriez frapper quelque coup d'importance à cette heure contre les Français, dans la position où leurs troupes se trouvent actuellement; et comme, selon tous mes avis, ils ne se mettront [pas] en campagne avant le mois de juin, vous manquerez aussi d'occasions de les entamer, au lieu que je crois pour certain, si j'ose vous le dire franchement, qu'à la mi-mai je serai déjà avec mon armée en Silésie vis-à-vis de Daun. Je dois vous marquer qu'en attendant ce sera271-1 le lieutenant-général de Hülsen que je laisserai en Saxe avec un corps d'armée, pour soutenir mes intérêts dans ce pays, et vous prie pour cela de vouloir bien entretenir avec lui une correspondance, pour lui communiquer tout ce que vous trouverez convenable pour moi. Je ne discontinuerai pas de vous avertir fidèlement de tout ce qui se passera de mon côté, tout comme je me flatte que vous le ferez de votre côté, de sorte que notre correspondance continuera sans interruption.

Federic.

Nach der Ausfertigung ira Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.



270-1 Der Prinz hatte geschrieben : „Je suis charmé de voir . . . que Votre Majesté pense de la même façon avec moi sur la diversion à faire en Sa faveur, si la paix avec la France a lieu.“ .

270-2 Vergl. S. 268.

271-1 So nach dem Concept.