12250. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Au quartier général de Gruna, 15 juillet 1760.

Je viens de recevoir les lettres que Votre Altesse m'a écrites du 30 juin et du 5 de ce mois, et je Lui suis bien obligé des nouvelles qu'Elle a voulu me donner de Sa situation. Je suis persuadé de la sincérité des vœux que vous faites pour moi; aussi serez-vous persuadé de la pureté de ceux que je fais pour vous, et pour l'heureux succès de toutes vos entreprises.

Quant à ma situation ici, je ne saurais vous dissimuler qu'elle est encore des plus embarrassantes. Quoique je pense de prendre Dresde, j'aurai, malgré cela, à essuyer de très grands embarras et à surmonter des difficultés presque invincibles. J'avais cru de prendre un bon parti, en m'attachant à Dresde, pour m'en emparer; cependant les nouvelles que je reçois aujourd'hui, me font presque douter si l'effet, quand j'aurai repris Dresde, en sera tel que je me l'étais représenté.

Daun est avec son armée aux frontières de la Silésie, autour de Bunzlau. [Laudon]490-1 marche avec une partie de ses troupes vers l'Oder, pour s'y joindre aux Russes aux environs de Glogau, ce que mon frère Henri ne saurait guère empêcher. En attendant, le reste de ses troupes fera le siège de Glatz, et il ne m'en reste plus là pour s'opposer aux desseins de l'ennemi. Si je me tourne même, après avoir pris Dresde, du côté du corps de Lacy et de l'armée de l'Empire, ils se laisseront pousser jusqu'à Prague, ce qui ne me mènerait à rien, et Daun ferait,<491> en attendant, toutes ses volontés en Silésie. Si je marche sur Daun en Silésie, cela me conduira à peu de chose, et, dans ce cas-là, tout comme dans celui où je me joindrais à mon frère pour aller contre les Russes, il faudrait que j'abandonnasse toute la Saxe, avec ce que j'y ai de magasins, à Lacy et à l'armée des Cercles, qui reprendraient Dresde avec les autres villes et pousseraient peut-être plus loin encore.

Votre Altesse jugera ainsi que mon embarras doit être des plus grands. Comme, cependant, il faut absolument que je prenne un parti, j'y songerai et tâcherai, après la prise de Dresde, de choisir entre tous les partis mal assurés qui se présentent à moi, celui qui me le paraîtra le moins, dont je ne manquerai pas de vous avertir. Veuille le Ciel que je puisse avoir bientôt de bonnes nouvelles de vos opérations!

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.



490-1 So nach dem Concept. In der Vorlage: „dont il“ .