<208>font des combinaisons nouvelles, et sur laquelle ces espèces de hasards ou d'événements qu'on ne saurait prévoir ont droit, et dans laquelle les succès ne se suivent également; en un mot, le cœur a eu plus de part à mon expédition de Moravie que la prudence.
Lors même que, pour ébranler ma fermeté, la Reine m'a fait, par différentes reprises, les offres les plusavantageuses, aucune raison d'intérêt n'a pu me décider, bien moins m'arrêter dans les opérations que j'étais résolu de faire, pour l'avantage de mes alliés uniquement.
Ainsi j'ai garanti la ville de Prague contre le prince Charles, qui marchait droit pour en faire le siége. On m'a reproché que je n'avais pas poursuivi ce Prince assez loin après sa défaite, mais j'en appelle aux mânes immortelles du grand Turenne et de Condé, si je devais, sans être muni de subsistance, mettre mon armée victorieuse dans le risque de périr de misère, en la menant dans un pays où l'armée autrichienne avait passé deux fois l'automne dernier, où les Saxons et les Français avaient hiverné après le prince Lobkowitz, où les mêmes Saxons ont repassé en revenant de Moravie, par où l'ennemi est venu à moi, et par où il a pris la fuite?
Nos succès et le passage de la Moldau par le prince Lobkowitz. engagèrent le maréchal de Broglie à se porter sur Frauenberg. L'affaire de Sahay, où la cavalerie française eut de l'avantage sur l'autrichienne, obligea le prince Lobkowitz à lever le siége de Frauenberg, repasser la Moldau, et se réfugier dans son vieux camp de Budweis.
Averti de ce qui se passait de ce côté, je conseillai à M. de Broglie à faire de deux choses l'une, savoir d'attaquer le prince Lobkowitz à Budweis, où il l'aurait battu en détail avant la jonction du prince Charles, ou de reprendre le poste de Pisek pour éviter par sa prudence une retraite précipitée, semblable à une fuite, qu'il ne pouvait éviter à l'approche du prince Charles de Lorraine. M. de Broglie, ne trouvant pas à propos de suivie ces partis, demeura à Frauenberg et fit quelques détachements dont la faiblesse faisait présumer tout homme de guerre à quel succès on pouvait s'attendre.
Je fis avertir le maréchal de Broglie, par différentes reprises, des marches du prince Charles, dont je lui envoyais l'itinéraire. Ce fut sur mon dernier avis que le Maréchal se retira, moyennant quoi il évita d'être surpris. Vous savez apparemment le détail de ce qui s'est passé ensuite à cette armée et la perte des Français. Parla position actuelle de vos troupes, elles sont à présent entièrement coupées de la Bavière, de Pilsen, où elles ont leurs magasins, et par où viennent leurs recrues. Dans ces conjonctures, les Saxons auraient pu apporter un prompt remède, mais malgré les promesses faites au maréchal de Belle-Isle, leurs troupes ne marchent point au secours des Français. J'apprends même qu'ils retirent à eux celles qui étaient les plus avancées en Bohême; de ceci, et d'avis particuliers que j'ai reçus de Dresde, je puis conjecturer sans me tromper que les Saxons sont non seulement en