715. AU GÉNÉRAL COMTE DE RUTOWSKI A IGLAU.
Znaym, 26 février 1742.
Monsieur. Je viens de recevoir votre lettre du 25, par laquelle j'ai appris à mon grand chagrin que vos troupes ne trouvent plus guère de subsistance dans leurs quartiers. Je vous aiderai de bon cœur, autant qu'il me sera possible, mais sur l'article du fourrage, il y a impossibilité de vous en fournir. Quant au pain, je vous en pourrai fournir en quelque manière, quoique je ne commence qu'à faire mes magasins, ayant subsisté jusqu'à présent d'un jour à l'autre. Pour nous concerter donc là-dessus et sur d'autres affaires qui nous importent, je vous prie de m'envoyer ici M. le général Renard, afin de vous mettre d'autant plus au fait des circonstances d'ici, dont il faut que je vous dise que la ville de Brünn est pourvue d'une garnison de 6,000 hommes, et qu'outre cela, on y a envoyé un renfort de 1,500 hussards, lesquels y sont passés entre Nikolsbourg et Hradisch, où en chemin faisant ils m'ont enlevé deux postillons avec quelques officiers et autres gens, jusqu'au nombre de dix-neuf personnes. Or il est à considérer, quand nous marcherions en avant en Autriche vers Horn et vers le Danube, si nous ne pourrions être tout-à-fait coupés de la Moravie, l'ennemi ayant alors les bras libres de pousser d'un côté de la Hongrie sur Gôding vers Briinn, et de l'autre côté de Neuhaus sur Iglau à Briinn. D'un autre côté, si nous voulions marcher droit à Neuhaus, il est à savoir si on pourra fournir du pain et du fourrage pour la subsistance de l'armée au moins pour quatre jours, et si l'ennemi serait attaquable s'il s'assemblait auprès de Wittingau, derrière les marais qui y sont, et qui commencent à dégeler par le temps qu'il fait; de même, si nous pourrions y subsister alors, ou si nous ne serions pas obligés de nous replier; 3°, si vous trouvez vos quartiers trop serrés, je m'offre de bon cœur de vous en céder des miens, et je vous laisserai le choix de prendre ceux que vous trouverez de votre convenance, à condition néanmoins que nos troupes restent alignées. Ce sont les trois considérations sur lesquelles je vous prie de réfléchir et de bien instruire M. le général Renard, pour me pouvoir dire vos sentiments là-dessus.
<53>En attendant, mon avis est que pour faire subsister nos troupes, il faut obliger le pays de fournir le nécessaire, le demandant absolument, et même [par]. a bonne précaution pour ne pas laisser à l'ennemi l'occasion d'en profiter, qui certainement n'aura aucun ménagement, s'il y revenait. Je m'offre de même, si vous ne trouvez pas Meseritsch assez convenable pour y avoir vos magasins, à vous céder telle place dans mes quartiers que vous désirerez.
Quant à l'ennemi, il sera d'une nécessité indispensable d'y envoyer le plus souvent des patrouilles, comme la seule chose qui peut assurer vos quartiers. Selon les circonstances qui sont venues à ma connaissance, je ne puis juger autrement que l'ennemi, après s'être renforcé de 8,000 hommes de troupes de Khevenhüller, marchera droit à nous, et qu'ainsi il sera nécessaire que nous nous approchions autant qu'il est possible, et de tâcher d'avoir des avis de l'ennemi, afin qu'avant qu'il puisse venir à nous, nous puissions être déjà joints. Si l'ennemi dirige sa marche vers l'Autriche, j'ai choisi un certain lieu aux environs d'ici, nommé Rötz, où la situation est la meilleure du monde pour pouvoir nous joindre et y attendre l'ennemi. Mais si l'ennemi voudrait aller en force vers Brünn, je crois nécessaire que l'armée se joigne alors à Kromau, Eibenschitz, Mohelno et aux environs, et de combattre alors l'ennemi. Mais en quelque lieu que l'ennemi s'assemble pour venir à nous, vous pourrez être certain que je ne manquerai pas de venir à votre rencontre en deux jours, d'abord que j'aurai de vos avis où l'ennemi s'assemble.
Je me concerterai sur toutes ces circonstances avec M. le général Renard, à qui vous ferez connaître vos sentiments, et, en attendant, je ferai examiner l'état de mes magasins, pour savoir au juste combien je puis vous en fournir, étant persuadé que vos quartiers vous fourniront la subsistance au moins pour trois ou quatre jours, jusqu'à ce que nous ayons réglé le reste. Je suis etc.
Federic.
Mes nouvelles se confirment toutes que l'ennemi va en Basse-Autriche vers Krems; dès que j'apprendrai la moindre chose de conséquence, vous en serez averti sur le champ: mais je vous recommande sur toute précaution celle des patrouilles, comme l'unique chose qui puisse assurer vos quartiers.
Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.
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