776. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A OLMÜTZ.
Selowitz, 3 avril 1742.
J'ai bien reçu la vôtre en date du 31 du mois passé, et j'agrée avec plaisir, selon la demande de M. de Bülow, que pendant le séjour du maréchal comte de Schwerin à Neisse l'ouverture de la commission touchant les limites de la Haute-Silésie se fasse, et j'en ai écrit audit Maréchal,103-3 pour que lui et le conseiller privé de Nüssler commencent au plus tôt leurs conférences avec M. de Bülow, dont vous pourrez avertir celui-ci, en lui insinuant que j'aimerais même que cette commission <104>puisse être mise en train avant que le maréchal de Schwerin fût nécessité de partir de Neisse pour aller aux bains, et qu'après son départ le sieur Nüssler pourrait continuer la commission, à laquelle je substituerai le lieutenant-général de Marwitz, pendant l'absence du maréchal de Schwerin. Ce Maréchal est pourtant instruit sous main de tramer cette négociation, et de faire naître difficulté sur difficulté pendant son cours.
Quant à Valory, vous savez déjà mon intention par rapport à lui, et vous tâcherez, le mieux qu'il sera possible, de l'éloigner de là où vous êtes. Vous vous garderez bien de mettre Giannini au fait de notre négociation, quoique j'aie fait avertir la cour de Vienne par son canal en général que Hyndford vient, et qu'on entrera en négociation avec lui. Comme j'ai eu des avis certains, et même par un courrier que Valory m'a envoyé, que le prince Charles de Lorraine, après que son armée a été renforcée par 12,000 hommes, qui lui sont venus de la Bavière, a le dessein de combattre le maréchal de Broglie et de tomber sur Prague, j'ai cru ce coup si dangereux pour mon intérêt que j'ai pris dans l'instant la résolution de faire marcher les troupes saxonnes vers Prague, et je suivrai moi-même, quelques jours après, avec la plus grande partie de mes troupes, pour aller me poster dans le cercle de Königgrätz et de Bunzlau, où je fais aussi venir le prince d'Anhalt avec les troupes qui sont en marche sous ses ordres, afin que je sois d'autant plus en état de faire échouer le dessein des Autrichiens sur Broglie et sur Prague, qui, s'il leur réussissait, rendrait la cour de Vienne tout-à-fait orgueilleuse et intraitable, et transporterait en même temps le théâtre de la guerre dans la Saxe et dans la Basse-Silésie. Je laisserai ici un corps d'observation sous l'ordre du prince Thierry d'Anhalt, qui s'étendra depuis Olmütz jusque dans la Haute-Silésie. Les Saxons marchent après-demain, et je les suivrai quelques jours après; par cette nouvelle position dans le cercle de Königgrätz, je me rends d'autant plus formidable, je couvre Prague, la Saxe, et mon pays, et je puis me joindre aux Saxons et aux Français pour aller en force supérieure combattre les Autrichiens, pour ne pas dire que je puis détacher, en cas de besoin, quelques troupes pour inquiéter les États d'Hanovre. Je serai le 4 à Wischau, où je resterai jusqu'au 6, et où nous pourrions nous parler. Quand je serai entré en Bohême, vous séjournerez à Schweidnitz.
Quant à ce que vous me mandez dans l'apostille de la vôtre, j'approuve fort vos sentiments, et si Hyndford vous sonde sur une alliance défensive entre moi et les Puissances maritimes, vous pouvez lui déclarer qu'en cas qu'on puisse parvenir à une paix avec la reine de Hongrie, j'y donnerai les mains. Je ne suis pas même éloigné de me lier avec la cour de Vienne, quand une fois la paix générale sera faite. Je serai bien aise, si je pourrai procurer la Haute-Silésie à la Saxe de la manière que vous savez, si la cour de Vienne me cède le cercle de Königgrätz avec Pardubitz; mais sans cela, il n'en faut pas parler. Si la <105>cour de Vienne tient toute la Silésie autant que perdue, elle n'est peut-être pas du même sentiment par rapport au cercle de Königgrätz, et alors il faut qu'on me laisse la Haute-Silésie, quoique j'aime mieux d'avoir Königgrätz. Je crois même que la Saxe aimera mieux qu'on lui procure quelque partie du cercle de Leitmeritz ou de Saatz, qu'elle trouvera mieux de sa convenance.
La lettre de Hyndford que vous trouverez dans le paquet, me fait juger qu'à son arrivée il voudra parler d'un ton haut. Dans ce cas, il faut que vous lui parliez sur le même ton, et lui dire nettement que, si l'on parlait de garanties ou de traités d'alliance offensive avec qui que ce soit, je considèrerais cela comme si on voulait rompre toute la négociation; que ce n'était pas moi qui demandait la paix, mais que je m'y prêterais, si l'on m'accordait toutes les conditions que je demande; que c'est mon' ultimatum, dont je ne départirai point, et qu'on n'a qu'à dire oui ou non. Je suis du sentiment que, si ces gens-là ont besoin de nous, ils se prêteront à tout, sinon, ils ne se soucieront guère de nous faire de bonnes conditions, et il ne faut pas qu'ils se persuadent que nous les craignons. Je suis etc.
Federic.
Nach der Ausfertigung.
103-3 Unter dem 3. April.