916. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A FRANCFORT SUR-LE-MAIN.

Breslau, 7 juillet 1742.

J'ai reçu vos dépêches du 23 et du 27 du mois passé, avec le détail que vous m'avez fait de votre entretien avec l'Empereur et ses ministres, au sujet de la paix entre moi et la reine de Hongrie.

Je vous ai déjà mandé que, dès le commencement de la négociation de cette affaire, j'ai fait tous les efforts imaginables pour obtenir, de la cour de Vienne une satisfaction pour tous mes alliés et principalement pour Sa Majesté Impériale. J'en appelle au témoignage du roi d'Angleterre, qui sait la demande que j'ai faite d'abord sur cet article. Mais la cour de Vienne a été inflexible là-dessus, et on m'a toujours répondu que, puisque je refusais d'assister la reine de Hongrie contre ses ennemis, ainsi qu'on le demandait opiniâtrement de moi, je ne saurais prétendre de prescrire à la Reine de quelle manière elle devrait faire un accomodement avec ses ennemis, dont d'ailleurs elle n'était point éloignée.

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Il est vrai que le roi de Pologne aété compris nommément dans le traité des préliminaires, comme électeur de Saxe, à condition qu'il retire ses troupes de la Bohême dans l'espace de 16 jours, à commencer de la date de la notification qui lui en serait faite. Mais, outre qu'on n'aurait jamais pu faire mention de l'Empereur, d'une manière convenable et décente, dans le susdit traité, la cour de Vienne refusant jusqu'ici de reconnaître ses titres, comment aurais-je osé souffrir qu'on prescrive à ce prince les mêmes conditions par rapport à la Bohême, tandis qu'il n'est pas difficile de prévoir et de comprendre qu'il fera ses conditions beaucoup meilleures les armes à la main que quand il aurait été compris dans, le traité sur le même pied que la cour de Saxe, et que je trouverai plus d'occasion et de moyens de lui rendre service par mes bons offices et mon entremise auprès du roi d'Angleterre pour ses intérêts, que par une inclusion telle que celle qu'on a stipulée pour le roi de Pologne, lequel je suis si fort éloigné, aussi, de forcer d'accepter cette condition, que je lui ai plutôt fait insinuer qu'il dépendrait absolument de lui, pour ce qui me regarde, s'il voulait se soumettre à la susdite condition ou non, et que, quelque parti qu'il puisse prendre, je ne serais pas moins pour cela de ses fidèles amis, et porté à seconder ses intérêts, par rapport à sa paix avec la Reine, par mes bons offices, autant qu'il me serait possible; de sorte qu'il est absolument faux que je me sois engagé de forcer le roi de Pologne de retirer ses troupes de la Bohême, que plutôt ce prince est entièrement le maître de faire là-dessus tout ce qu'il trouve le plus convenable à ses intérêts, ce dont vous pouvez assurer positivement l'Empereur et ses ministres.

Mais si Sa Majesté Impériale pouvait se résoudre de faire sortir ses troupes et celles de ses alliés de la Bohême, à condition que celles de la Reine en fassent autant par rapport à l'évacuation entière de l'électorat de Bavière, je suis persuadé que la cour de Vienne ne balancerait pas un moment d'y donner les mains; et s'il plaisait à l'Empereur de s'ouvrir confidemment là-dessus au roi d'Angleterre, et de faire faire par le ministre 'de ce prince cette insinuation à Vienne, puisque je ne me trouve encore dans aucune correspondance ou relation avec cette cour, ce serait le premier pas à parvenir à une pacification, où moi et le roi d'Angleterre nous nous donnerions toutes les peines imaginables pour obtenir les meilleures conditions qu'il soit possible pour Sa Majesté Impériale, puisqu'il ne s'agit à présent que de la façon de l'entamer d'une manière que la Bavière fût soulagée et évacuée d'abord' préliminairement. Mais cela ne se pourra faire que contre une évacuation réciproque de la Bohême, puisqu'il ne faudra jamais compter d'arracher ce royaume à la reine de Hongrie, à moins que de ne l'ensevelir en même temps sous le ruines de Vienne, quelque effort qu'on fit, et quelque douce que pourrait être la satisfaction que je ressentirais, si je voyais le moindre jour à faire obtenir à l'Empereur ce royaume.

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On se trompe beaucoup, si l'on croit que les Autrichiens s'étaient déjà mis eux-mêmes dans les filets, et qu'avec un petit effort on aurait obligé la reine de Hongrie à faire des propositions aux alliés. Il aurait fallu soutenir une guerre douteuse, longue' et onéreuse pour bien des armées, avant que de parvenir à la paix sur le pied qu'on se l'était proposé, et l'Empereur sait lui-même que malgré les troupes nombreuses de la France en Bavière, jointes par celles de ce prince, le maréchal de Khevenhüller y avait toujours de la supériorité sur elles et Testait le maître de la capitale et de la plus grande partie de cet électorat, sans qu'on l'en ait pu denicher jusqu'à présent. Les mauvaises manœuvres des Français en Bohême, fondus jusqu'à 12,000 hommes de 30,000 qu'ils devraient être, et l'inaction totale des Saxons, qui prétendaient n'être point en état d'agir avant la fin de ce mois, ne promettaient pas un meilleur succès en Bohême et me chargeaient seul de tout le fardeau de la guerre, où une journée malheureuse m'aurait frustré non seulement de tous mes avantages pour toujours, mais transporté même le théâtre de la guerre dans mes États héréditaires, où une armée de 30,000 Hongrois, était prête à pénétrer d'un autre côté, tandis que la cour de Russie n'attendait que sa paix avec la Suède, qui n'est guère éloignée, pour se jeter sur la Prusse et pour me forcer d'abandonner tout et de courir à ma propre défense, puisqu'aucun de mes alliés ne se trouve ni en état ni à portée de m'assister de ce côté-là.

Je laisse à juger à. tout le monde impartial si, dans une pareille situation, j'ai pu différer plus longtemps de songer à ma propre conservation et de prévenir ma ruine, et si je n'aurais pas eu des reproches éternels à me faire, si, en me sacrifiant pour les autres, j'aurais refusé à moi-même et à ma postérité ce qu'une amour bien ordonnée et la nature même exige de nous, quand il s'agit d'opter entre des convenances étrangères et sa propre conservation.

Tel a été pourtant le triste choix qu'il me restait à faire, depuis le dépérissement soudain et total des affaires de mes alliés, si je ne voulais pas être enveloppé dans leur ruine. Les avantages que j'ai obtenus par' la paix paraissent à la vérité éblouir d'abord, mais quand on considère ce qu'ils me coûtent de sang et de peines, mes finances épuisées, une conquête chargée de dettes immenses, le sacrifice, de mes justes droits sur la succession de Juliers et de Bergue, qui ne. pouvaient jamais me manquer, mais à la renonciation desquels en faveur de la maison de Sulzbach je me tiendrai inviolablement, malgré la paix, ainsi que je l'ai fait déclarer à Mannheim et en France — on trouvera que j'ai acheté assez chèrement les cessions qu'on m'a faites, et il n'y a pas de quoi en être jaloux, ni de dire que je n'aie songé qu'à mes profits et avantages.

Voilà ce que vous devez insinuer à l'Empereur et à ses ministres, en les priant de vouloir s'ouvrir en confidence envers vous de quelle manière il croient pouvoir entamer une négociation avec la cour de <223>Vienne, soit pour un armistice et évacuation réciproque, soit par l'entremise et la médiation, du roi d'Angleterre, appuyée de mes bons offices, et de quels avantages l'Empereur voudra se contenter dans la situation présente des affaires. Vous assurerez en même temps ce prince que je ne discontinuerai jamais de prendre ses intérêts chaudement à cœur, de le seconder en. tout ce que je pourrai dans l'Empire, pour le maintien de son autorité, pour les convenances et avantages de sa maison, et en tout ce qui peut contribuer quelque chose à sa satisfaction.

Federic.

H. Comte de Podewils.

Nach dem Concept.