942. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A MOSCOU.
Berlin, 31 juillet 1742.
Je suis extrêmement surpris de la proposition, que suivant votre rapport du 13 juillet, le marquis de La Chétardie doit avoir faite à la cour de Russie, pour l'engager à faire contre moi une ligue avec la France, la Suède, le Danemark et la Saxe241-2. Ce qui m'étonne le plus, c'est la circonstance du temps où ledit marquis a fait cette démarche, <242>n'étant pas possible que la France fût alors informée de mon accommodement avec la cour de Vienne, ni par conséquent vraisemblable qu'elle eût donné de pareilles instructions à son ministre. Au fond, il ne me semble pas que je doive infiniment appréhender l'effet de cette intrigue. Je suis entièrement assuré de la cour de Danemark, et je n'ai absolument rien à craindre de sa part. La Saxe et la Suède, il est vrai, ne manquent peut-être pas de mauvaise volonté, mais l'une et l'autre sont trop faibles pour me faire beaucoup de tort; et quant à la cour de Russie, la considération de ses propres intérêts l'empêchera, j'espère, de conspirer à ma ruine, et je la tiens trop avisée pour déchirer le manteau qui la couvre, à moins qu'elle ne soit soumise à des influences étrangères, ainsi que cela s'est fait durant la dernière administration.
Il m'importe néanmoins d'être instruit au juste de tous les aboutissants, de cette affaire, et vous aurez soin de prendre les informations les plus exactes qu'il vous sera possible si le marquis de Chétardie a fait les propositions dont il s'agit de la part et par ordre de sa cour, ou comme une idée particulière; si c'est en guise de proposition formelle ou par voie d'insinuation et s'il l'a fait uniquement de la part de la France, ou de concert avec quelque autre puissance et en son nom, particulièrement si le ministre de Saxe y est entré, et jusqu'à quel point.
Vous n'oublierez pas de me donner sur tous ces articles les lumières les plus justes que vous puissiez vous procurer.
Que cela vous serve au surplus de nouveau motif pour presser les ministres de hâter la conclusion du traité d'amitié, afin de couper court àces sortes d'intrigues; et vous pouvez bien leur insinuer, mais adroitement et sans qu'ils puissent s'en formaliser, que, dans la situation présente où je reçois de fréquents avis des intrigues qu'on tâche de former au préjudice de mes intérêts à la cour de Russie, et où d'ailleurs tous les obstacles qui avaient paru jusqu'ici s'opposer à la conclusion du traité d'amitié venaient à cesser par mon accommodement avec la cour de Vienne, le délai ultérieur de ce traité doit naturellement me causer beaucoup d'inquiétude et de soupçons, et qu'il vous paraît être de l'intérêt de la Russie même de le faire cesser le plus promptement qu'il est possible, et d'établir sur des fondements solides la confiance réciproque des deux parties.
Frederic.
H. Comte de Podewils. C. W. Borcke.
Nach dem Concept.
241-2 Vergl. auch S. 246 Anm. 1.