Il serait fort désirable et même pressant que ces diversions en France pussent obliger le prince de Soubise à faire de gros détachements ; il n'y a que la crainte que j'ai qu'il y ait encore assez de troupes dans ce pays, pour en garnir suffisamment les côtes, de sorte que les Français ne se croiront fort pressés à retirer des troupes de l'armée de Soubise.
Quant à la négociation de paix, je présume, par ce que vous me marquez au sujet de la conduite singulière du sieur de Bussy et sur la façon de s'expliquer de M. de Choiseul, qu'il n'y a point encore un système fixe pris à cet égard à la cour de France, et, si j'ose vous le dire encore, que de deux côtés on n'est pas trop jusqu'à présent dans l'intention sérieuse de parvenir promptement à la paix, parceque, sans cela, cet ouvrage serait déjà bien plus avancé; la seule chose que je crois pénétrer clairement, c'est que le duc de Choiseul, comme vous jugez fort bien, voudra attirer à Versailles cette négociation, et quoiqu'il serait indifférent si la paix se conclut à Versailles ou ailleurs, il me semble cependant que, parcequ'en fait de négociation les Français ont l'avantage sur les Anglais, il serait toujours à souhaiter que la négociation fût avancée et poussée plutôt à Londres qu'autre part.
Si le ministère exécutera effectivement ce que M. Pitt vous a fait attendre, pour expédier ses ordres au sieur Porter en conséquence de vos instances,1 vous l'en remercierez de ma part par un compliment très obligeant. Reste à voir l'effet que cela opérera sur la Porte, pour se presser au mieux à faire quelque démarche de poids et pour que cela ne soit de la moutarde après le dîner.
Pour vous donner, au reste, quelque nouvelle de ma situation ici, je vous dirai que les Russes ont changé tout d'un coup de leur plan d'opération et qu'au lieu de passer dans la Nouvelle-Marche, selon leur premier plan, leur gros de l'armée veut pousser directement vers Breslau, en attendant qu'un autre corps russe détaché en Poméranie fera le siège de Colberg, par terre et par mer. J'ai détaché contre le gros corps de leur armée, pour s'opposer à ce dessein, et j'ai, d'ailleurs, pris mes mesures pour autant que mes facultés me le permettent; il faudra voir comment cela succédera. En attendant, l'on prétend que les Français forment un corps séparé sous le prince Xavier, pour faire une diversion dans ma province de Magdeburg, nouvelle qui, à ce que vous estimerez, ne saura guère me faire plaisir, ni n'être favorable à la cause commune, si cela se réalisera, tandis qu'il ne me reste assez de forces, pour pouvoir m'y opposer.
Federic.
Nach dem Concept.
1 Vergl. Nr. 12894. 12935. 12984.