12464. AU FELD-MARÉCHAL PRINCE FERDINAND DE BRUNSWICK.

Torgau, 5 novembre 1760.

Pour répondre à la lettre que Votre Altesse m'a faite du 31 d'octobre, il m'est impossible de juger autrement de votre entreprise sur Wesel que je l'ai fait par mes lettres précédentes.49-3 Votre projet sur<50> Wesel ne pouvait réussir que par un coup de main; ainsi il fallait faire le projet de surprendre la ville et tenter un coup de main, si la garnison n'était pas assez forte pour la défendre, mais ne pas faire un projet téméraire de siège. Le roi d'Angleterre et le prince de Cassel ne vous sauraient savoir non plus aucun gré de la prise de Wesel, sans que vous eussiez fait rétrograder le comte de Broglie ni le prince Xavier. J'ai cru, il y a longtemps, que vous auriez arrangé un coup pour vous défaire de ces ennemis-là. Si vous aviez voulu les souffrir en cette position où ils sont actuellement, un détachement de 20 bataillons et de 10 ou 15 escadrons que vous auriez fait du côté de Naumburg-surla-Saale, et que vous auriez pu retirer à vous après quinze jours de temps, m'aurait conservé la Saxe; il n'aurait pas été si considérable que 26 bataillons et je ne sais combien d'escadrons. Vous m'auriez mis par là en état de pouvoir vous seconder actuellement, ce qu'à présent je ne suis plus en état de faire, et vous auriez pu frapper un coup à la mi-novembre sur un de ces corps français vis-à-vis de vous. J'ai été en Silésie au temps que vous avez fait votre détachement sur le Rhin, et hors de toute connexion et correspondance avec les autres pays. Encore m'a-t-il été impossible de pouvoir juger de cette entreprise, à moins que de croire que vous aviez des intelligences dans la ville ou qu'il y avait du mécontentement et de la corruption parmi la garnison, ce que je pouvais ignorer, absent comme j'étais au delà de 40 ou de plus de 50 milles de vous. Mais si vous voulez vous donner la peine de relire ma lettre datée, je crois, de Guben,50-1 vous y verrez que je n'ai point approuvé cette expédition, même avant que j'en sus l'évènement. Vous vous souviendrez même qu'avant le commencement de cette campagne je vous ai écrit et l'ai dit à mon neveu et à feu Bülow50-2 que mon opinion était que vous deviez vous appliquer pour tourner toutes vos forces contre un de ces corps français et de bien battre l'un sur l'autre. C'était, selon mon opinion, la seule façon de faire une bonne campagne, parceque le passage du Rhin est trop éloigné de vous et ne pouvait réussir qu'en surprenant Wesel. Pour assiéger cette ville, il fallait une armée d'observation et une de siège. Il fallait au moins une armée d'une trentaine de bataillons et d'un nombre d'escadrons à proportion au delà du Rhin, une autre de 15 bataillons au moins et d'un nombre proportionné d'escadrons pour faire le siège, sans quoi vous voyez vous-même de quelle impossibilité il a été de réussir en ce siège. Enfin, quoi que vous pussiez me dire, il m'est impossible en conscience d'approuver cette entreprise, et quand même elle aurait réussi, on n'aurait pu la qualifier que de témérité heureuse.

Je suis si occupé à présent qu'il m'est difficile d'entrer avec vous dans les détails de vos dispositions, vu que j'ai à chasser les Russes<51> de la Nouvelle-Marche,51-1 Laudon de la Silésie et l'armée de Daun de la Saxe, autant que je le pourrai; et, malgré la bataille de Torgau, je ne me flatte pas de pouvoir gagner une position plus avantageuse que celle que j'ai eue l'année passée.

Le lieutenant Finck que j'avais destiné pour vous envoyer avec ma lettre,51-2 a été blessé d'un coup de feu dans la tête, ce qui le met à présent hors d'état de se mettre en voyage; mais dès qu'il sera guéri, je ne manquerai pas de vous l'envoyer incessamment.

Federic.

Nach der Ausfertigung im Kriegsarchiv des Königl. Grossen Generalstabs zu Berlin.



49-3 Vergl. Nr. 12444.

50-1 Vielmehr aus Trajuhn datirt. Vergl. Nr. 12437.

50-2 Vergl. S. 26.

51-1 Dem Prinzen Ferdinand von Preussen schreibt der König am 5. November, er möge sich während der Streifereien der russischen Truppen nicht in Berlin, noch weniger auf dem platten Lande aufhalten, sondern nach Stettin oder Magdeburg gehen. „Il faudra voir quel succès aura la victoire que je viens de remporter hier [so!] aux environs de Torgau sur la grande armée autrichienne.“ [Berlin. Hausarchiv.]

51-2 Vergl. Nr. 12462.