<192>comptant; il les a remises au Vice-Chancelier, qui lui sert de trésorier et qui n'épargne rien pour ranger par ses corruptions les plus considérables du Sénat à sa dévotion.
Le dessein de ce ministre anglais est de voir s'il peut tirer parti du gouvernement présent, et, en ce cas, de rompre le mariage de la princesse de Zerbst, de faire accorder les secours au Roi son maître et de brouiller la Russie avec le Roi. Mais comme ces trois points rencontrent trop de difficultés, il s'est déterminé pour une révolution en faveur du jeune Iwan, et, si elle réussit, c'est le plus fâcheux contretemps qui puisse arriver au Roi.
Sa Majesté, pour ne rien négliger de ce qui dépend d'elle, a envoyé à temps des lettres de changes de 150,000 écus à son ministre, pour en faire l'usage le plus convenable; il est impossible dans le moment présent de se décider sut la tournure que ces affaires prendront.
L'Impératrice fait actuellement pélérinage au monastère de Troiza, elle y est suivie des princesses de Zerbst, et l'on veut y faire le dernier effort pour voir si on peut la tirer de son indolence et du danger auquel elle s'expose de gaîté de cœur.
Quand même l'alliance de la Russie, de la Prusse et de la Suède ne réussirait pas, le Roi, pour donner au roi de France des marques de sa bonne volonté et de sa sincérité, ne s'y arrêtera pas, et il exécutera tout ce de quoi il est convenu avec la France, dans le temps arrêté. Mais, si par malheur il allait arriver une révolution en Russie, qui ne pourrait tourner qu'à l'avantage des ennemis communs, le Roi espère que ses alliés seront assez justes et assez raisonnables pour ne point exiger de lui qu'il entreprenne des opérations qui, par la nature des choses, deviendraient infructueuses et d'aucun avantage pour ses alliés. Toutes les opérations qu'il voudrait, faire, seraient entièrement dérangées, si la Russie lui tombait à dos; ainsi, quelque envie et quelque intérêt qu'il ait d'agir, il demande à ses alliés si le mal présent ne doit point emporter sur des appréhensions futures.
B.
Les opérations de cette campagne ont été, ce me semble, assez détaillées pour qu'on n'ait pas besoin de peser là-dessus; cependant, il est besoin d'en récapituler le gros, pour y ajouter un commentaire.
Le Roi se portera en Bohême, il enverra, huit jours avant son passage par la Saxe, les réquisitoriaux de l'Empereur, avec les offres des alliés, au roi de Pologne. Selon la connaissance que nous avons de cette cour, elle s'amusera à disputer le terrain, jusqu'à ce qu'elle voie pour quel parti la fortune se déclare. Tout ceci supposé qu'il n'y arrive aucune révolution en Russie. Si les affaires du Roi vont bien en Bohême, comme on a lieu de s'y attendre, les Saxons, avides d'agrandissement, mordront à l'hameçon, pourvu qu'on ne leur offre que des objets aisés et qui ne les commettent pas trop, comme la prise de