<216>vous réussiez à ce que je n'aie rien à craindre de la Russie pendant cette année et pendant l'année qui vient ; ces deux ans passés, sans que je sois inquiété ou troublé de la Russie dans les desseins que je vais entreprendre, je ne m'en soucierai pas tant alors. Sur ce qui est du passage mal chiffré dans ma lettre du 4 de juin, il faudra lire savoir: la somme de cent ou cent-vingt mille, même jusqu'a 150,000 écus;1 et afin que vous soyez aussi en état d'employer ces sommes, lorsque la nécessité le requerra, je viens d'ordonner au sieur Splittgerber de tenir encore la somme de cent mille écus prête à votre disposition dans son comptoir à Pétersbourg.

Au reste, il faut que je vous dise que comme les circonstances deviennent de jour en jour plus dangereuses pour l'Empereur Romain, de manière que, si je tarde plus longtemps à le secourir efficacement, il sera absolument forcé de plier sous le joug autrichien et de se rendre à discrétion et à telles conditions que la cour de Vienne lui voudra prescrire, je me vois forcé de passer sur toutes autres considérations et de faire la levée du bouclier en faveur de l'Empereur dans le mois d'août qui vient. Comme il n'est point à douter que les Autrichiens avec les Anglais ne feront alors bien des criailleries à la cour où vous êtes, et tenteront jusqu'à l'impossible pour indisposer l'Impératrice contre moi et pour la faire entrer dans leur parti, alléguant peut-être l'accession à la paix de Breslau que l'Impératrice avait faite et par où elle était obligée de secourir la reine de Hongrie, mon intention est que, vers le 13 du mois d'août qui vient, vous devez tâcher d'avoir une audience secrète auprès de l'Impératrice et lui dire en mon nom que des circonstances très critiques et dangereuses m'avaient obligé à la fin de donner des troupes auxiliaires à l'Empereur, pour ne le laisser point opprimer des Autrichiens, qui venaient d'obliger ses troupes à se retirer du territoire du Saint-Empire et qui commençaient à présent de dire hautement qu'il fallait annuller l'élection de l'Empereur présent et faire une autre en faveur du grand-duc de Toscane; que comme la reine de Hongrie avait toujours cherché à faire tout le mal possible à l'Impératrice et à l'ordre de succession établi par elle, et que l'Impératrice avait même plusieurs fois déclaré que cela lui ferait plaisir, si je voulais entamer la reine de Hongrie,2 j'espérais que l'Impératrice apprendrait volontiers la résolution que j'avais prise, et qu'elle ne serait nullement contraire à mes desseins, qui n'avaient pour but ni de m'agrandir ni de faire des conquêtes, mais uniquement de rétablir la paix dans l'Empire, de soutenir son système et d'aider l'Empereur à rentrer dans ses possessions et ses droits, dont on l'avait privé de la manière la plus injuste et la plus criante ; que tout ce que j'entreprenais sut cela, n'avait nul rapport à la paix de Breslau où l'Impératrice était accédée, et que j'attendais de l'amitié de l'Impératrice qu'elle voudrait bien faire insinuer



1 Vergl. oben S. 169.

2 Vergl. Bd. II, 497. III, 106.