<86>chargé mon grand-maréchal, le comte de Gotter, pour détourner le duc de Saxe-Gotha de ne pas engager ses troupes au service des Hollandais, n'a pas eu tout-à-fait le succès que j'en avais espéré, mon ministre n'ayant pu arriver à la cour de Gotha qu'après que l'engagement avec la République y fut déjà pris, et que même on en eut signé la capitulation.
Je suis d'autant plus fâché de ce contretemps que, selon le rapport du comte de Gotter, le Duc, en donnant les mains à cet engagement, a bien moins suivi ses propres inclinations qu'il n'a cédé aux pressantes instances de la cour britannique, n'ayant pu résister aux désirs ardents d'une puissance avec laquelle il se trouve lié par des nœuds aussi étroits que ceux qui l'attachent à la maison royale d'Angleterre; que d'ailleurs il a protesté à mon ministre de conserver un dévouement parfait pour Votre Majesté Impériale et de vouloir contribuer, tant à la diète de l'Empire qu'en toute autre rencontre, tout ce que lui permettaient ses circonstances et les ménagements où elles le réduisaient, pour avancer Ses intérêts et Ses avantages, qu'enfin, pour preuve de la sincérité de ses protestations, il a donné même au comte de Gotter l'espérance et la promesse éventuelle de faire son possible pour retenir le régiment de dragons, compris dans la capitulation, sous prétexte de la difficulté de trouver des chevaux pour le mettre en état de marcher.
Telle étant la situation de l'affaire, je m'en remets aux lumières de Votre Majesté Impériale s'il ne serait pas plus convenable à Ses intérêts de dissimuler avec le Duc et de faire semblant de recevoir comme valables ses excuses et raisons, que de lui marquer du mécontentement, lequel ne servirait après tout, dans les conjonctures présentes, qu'à le rebuter et à l'attacher plus étroitement au parti opposé, ou du moins à affaiblir les bonnes dispositions où il paraît se trouver envers Votre Majesté Impériale. Il me semble même que ce serait le moyen de les fortifier et de gagner entièrement l'affection de ce Prince, s'il plaisait à Votre Majesté Impériale de lui accorder d'une manière marquée l'honneur de Sa protection dans les affaires qui sont du ressort du Conseil Aulique de l'Empire, particulièrement en ce qui regarde la future succession de Saxe-Meiningen, affaire qui lui tient extrêmement à cœur et qui n'intéresse pas moins ma propre maison, en égard au pacte de confraternité dont elle est liée avec celle de Saxe. Cela m'engage de recommander l'affaire très instamment à Votre Majesté Impériale, et je le fais avec d'autant plus de confiance que le Duc et moi nous ne demandons que justice prompte et impartiale, le cas en question étant clairement décidé dans la capitulation impériale; ce qui n'empêchera point que je ne prenne pour mon compte l'attention que Votre Majesté Impériale voudra faire en cette rencontre à la prière du duc de Gotha, et que je ne Lui aie autant d'obligation que si ce n'était qu'une affection de pure grâce; obligation que je tâcherai de reconnaître en toute occasion par des marques réelles de l'attachement sincère avec lequel je suis,