1349. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD [A MOSCOU].
Potsdam, 29 février 1744.
La relation secrète que vous m'avez faite en date du 17 de ce mois46-1 m'est bien parvenue, et j'ai eu la même satisfaction en voyant son contenu que je suis présentement accoutumé d'avoir lorsque je re- çois de vos relations ; aussi ne saurait-on être plus content de la fidélité et de la dextérité d'un ministre que je le suis de la vôtre, en quoi vous n'obligerez point un ingrat. Les traits que vous me mandez du Vice-Chancelier, tant au sujet des propos qu'il a tenus vers le général Düring qu'au sujet du tour malicieux qu'il a donné à la lettre de l'Impératrice au prince royal de Suède,46-2 sont si traîtres et si détestables que je ne puis concevoir l'indulgence qu'on a pour lui; je craindrais même que ce qu'il a dit au général Düring, et ce qu'il a écrit au Prince Royal, ne puisse faire de fâcheuses impressions sur tous les deux et re tarder les deux articles qui m'importent tant, à savoir le mariage dudit Prince avec ma sœur, et l'alliance à conclure entre la Suède, moi et la Russie, si je n'espérais que le comte de Wachtmeister sera déjà arrivé <47>à Stockholm pour informer le Prince Royal des véritables sentiments de l'Impératrice, et que l'arrivée du général Lubras mettra fin à toutes les menées du Vice-Chancelier.
Quant à celui-ci, je trouve absolument nécessaire que vous employiez et le vert et le sec pour le débusquer et le mettre hors de place, étant d'une certitude à n'en pouvoir douter qu'aussi longtemps qu'il sera en place il ne cessera jamais de causer mille chagrins tant à moi qu'à la princesse de Zerbst et de faire mille embarras à l'Impératrice. Il est vrai que, de la manière que vous vous êtes concerté avec la princesse de Zerbst à ce sujet, il est quasi impossible que le coup puisse manquer. Je ne doute nullement qu'on ne pourra faire résoudre la jeune princesse de Zerbst à embrasser la religion grecque, pourvu qu'on s'y prenne d'une bonne manière et qu'on lui laisse en tout cas autant de temps qu'on a laissé sur cela au Grand-Duc.
Je suis en tout de votre sentiment sur le Trubezkoi, vous ferez pourtant à ce sujet tout ce que vous trouverez convenable à mes intérêts. J'aurais bien aimé que vous m'eussiez appris quelque détail sur la séparation de la famille infortunée, et vous n'oublierez point de le faire encore, quand une occasion sûre se présentera. Quant à la décharge générale concernant la distribution des sommes que je vous ai confiées, elle est actuellement expédiée et signée de moi, mais comme je n'ose pas la hasarder avec cette lettre et avant que je sois informé de votre arrivée à Moscou, j'aurai soin qu'elle vous sera envoyée à la première occasion sûre qui s'y présentera, sur quoi vous pouvez compter.
Il y a une chose dont il m'importe de savoir votre sentiment d'une manière tout naturelle et sans me rien cacher ; c'est ce que je veux savoir de vous si, après que mon alliance avec l'Impératrice sera conclue et que le cas devait exister que je me visse nécessité de faire la guerre à la reine de Hongrie, si alors, dis-je, je pourrais bien espérer que l'Impératrice, à ma réquisition, me fournît un corps de 15 ou de 20,000 hommes de ses troupes légères, c'est-à-dire de Tartares, de Cosaques et de Kalmouks, pour m'en servir dans pareille guerre, ou si vous croyez que je ne pourrais point réussir dans pareille demande. Sur quoi j'attends votre avis. Au reste, je vous adresse ci-clos ma réponse à la lettre de la princesse de Zerbst, qu'elle m'a écrite sur son arrivée à Pétersbourg.
Federic.
Bravo Mardefeld! encore un coup de collier, et je vous passe pour maître.
Nach dem Concept. Der Zusatz nach Abschrift der Cabinetskanzlei.
<48>46-1 Vergl. oben S. 10 Anm. 1.
46-2 Mardefeld hatte unter dem 17. Februar berichtet: „Le tour qui a été donné à la lettre de l'Impératrice au prince royal de Suède (vergl. oben S. 28 Anm. 3) paraît assez équivoque, portant en substance: dass Sie, die Kaiserin, die vorseiende Heirath mit einer Prinzessin aus einem so hohen Hause als das Königlich Preussische sei, nicht anders als approbiren könnten; jedoch überliessen Sie Ihro Königl. Hoheit hierunter nach eigenem Wohlgefallen zu handeln, mit der freundlichen Erinnerung, in Sonderheit dem väterlichen und weisen Rath Ihro Majestät des Königs von Schweden zu folgen.“ Dem schwedischen Gesandten von During hatte Bestushew' gesagt, Mardefeld habe unterlassen, die Ansicht der Kaiserin über die vorgeschlagene Allianz einzuholen.