1419. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A MOSCOU.
Berlin, 3 mai 1744.
J'ai bien reçu vos dépêches des 9 et 17 d'avril. Quant à vos avis au sujet de la France, je vois que vous n'êtes pas bien instruit de l'intérieur de ce royaume, qui assurément est encore assez puissant tant en <118>argent qu'en hommes. La circonspection et la prudence demande absolument que je prévienne un ennemi qui veut me prévenir, -et dont le mauvais dessein se manifeste clairement! Je ne vois point de sûreté ni pour moi ni pour L'Empire, si les choses restent dans la situation où elles sont actuellement.- Ainsi il ne me reste d'autre parti à prendre que de me lier avec ceux dont l'intérêt est d'abaisser la maison d'Autriche. Mon/système ne se fonde, point sur la fermeté de la France, mais tant que je n'aurai que la reine de Hongrie à combattre, je lui serai toujours supérieur. Le grand point, et qui dans l'affaire est la condition sine qua non, c'est de culbuter Bestushew, sans quoi toute votre diligence et toute votre habileté ne pourront jamais m'assurer de la cour de Russie. Ainsi tout dépend de ce que nous ayons un ministre à cette cour qui fasse faire à l'Impératrice ce que nous voulons. Pour la triple alliance à faire, je vous enverrai en peu le plein-pouvoir par un courrier. Le projet de cette alliance est défensive. On en peut fixer le terme à vingt ans ou plus si l'on veut; on se donnera la garantie réciproque de tous les États que les puissances contractantes possèdent, et nommément des nouvelles conquêtes de la Russie faites sur la Suède, de la Silésie et des États de la maison de Holstein, contra quoscunque; le secours réciproque pourra être de 10,000 hommes, savoir 7,000 d'infanterie et 3,000 de cavalerie, mais si l'on veut aussi convenir de plus ou moins de troupes, il dépendra de vous de le changer. Si alors il y a moyen, il faut tâcher d'engager l'Impératrice à concourir dans la pacification de l'affaire de l'Allemagne. Le but où je prétends tirer par cette alliance, consiste en ceci que l'Impératrice pourra faire insister très fortement à la cour de Saxe que cette cour doit laisser agir librement ceux qui ont à faire à la reine de Hongrie et qu'elle doit même embrasser le parti de l'Empereur ; ensuite, de commettre l'Impératrice avec la reine de Hongrie touchant l'affaire de Botta et de voir si par ce moyen on pourra la porter ou bien à faire une diversion en Hongrie, ce qui serait le meilleur, ou bien à me donner quelques troupes de secours.
Le terme que je me propose de voir clair dans cette affaire, est le 1er d'août; ainsi vous employerez toute votre habileté à la finir vers le 15 de juillet, sans quoi l'affaire est perdue pour moi, ou du moins l'effet en serait retardé jusqu'à l'année prochaine.
Federic.
Comptez là-dessus que les raisons qui déterminent ma résolution sont valables et pressantes, mais sachez en même temps que je ne puis rien sans votre habileté et sans le bonheur dont vous avez besoin, ainsi c'est de vos soins que je vois dépendre à jamais le sort de la Prusse et de ma maison.
Nach dem Concept Der Zusatz nach Abschrift der Cabinetskanzlei.
<119>