1569. AU MINISTRE D'ÉTAT DE WALLENRODT A VARSOVIE.267-1
Camp devant Prague, 8 septembre 1744.
Les relations que vous m'avez faites en date du 26 et du 29 du mois d'août passé, m'ont été bien rendues. Comme je vous ferai savoir mes intentions sur tous les points y contenus par mes ministres du dé<268>partement des affaires étrangères, je ne veux toucher, par la. présente que je vous fais, que celui de la réponse que la cour de Pologne vous a donnée sur la dernière conférence que vous avez eue avec le Ministre et le père Guarini. Sur lequel donc, je vous dirai que vous deviez donner à connaître, dans des termes les plus polis que vous pourriez imaginer, au Ministre la satisfaction extrême que j'avais eue du retour des sentiments d'amitié de Sa Majesté le roi de Pologne envers moi, dont je fais d'autant plus cas que je connais parfaitement combien il est de l'intérêt de nos deux maisons de vivre dans une amitié mutuelle, n'étant guère des maisons qui se puissent mieux entre-aider et soutenir l'une l'autre que celle de Saxe et la mienne, si les liens d'amitié entre elles étaient bien serrés, et que nous agissions d'un concert parfait. Que, quant au passage de mes troupes, je m'étais déjà expliqué sur cet article vers Sa Majesté de Pologne d'une manière que j'espérais qu'elle aurait tout lieu d'en être contente, m'ayant offert dans la dernière lettre que je Lui avais écrite de ma main propre, de payer tout ce qui avait été fourni à mes troupes, et de bonifier les dommages qui auront été causés aux sujets saxons par des excès que les miens ont peut-être fait, par ci par là, à mon insu. Que j'étais charmé des sentiments patriotes que Sa Majesté le roi de Pologne avait témoigné touchant l'état présent des affaires de l'Empire, et que les miens ne visaient à un autre but que de rendre le calme à l'Allemagne et de rétablir l'Empereur, élu d'un consentement unanime, dans sa dignité et droits. Que pour marquer à Sa Majesté de Pologne combien ses intéréts m'étaient chers, je m'engageais que, pourvu que Sa Majesté voudrait s'entendre avec l'Empereur et prendre des engagements là-dessus, soit avec lui ou avec moi, je tâcherai de disposer l'Empereur à faire à Sa Majesté de Pologne des avantages considérables, et qui seraient plus convenables aux frontières de ses États d'Allemagne que ceux qu'on lui avait voulu stipuler dans le temps passé. Qu'outre cela, je tâcherai de contribuer, de mon mieux, à faire une double alliance entre les deux maisons par des mariages réciproques entre les princes aînés de l'Empereur et de la Saxe et des princesses des deux maisons, pour resserrer d'autant plus par ces liens les intérêts et l'amitié des deux maisons. Que Sa Majesté le roi de Pologne verrait par là la sincérité des sentiments que j'avais pour elle, et combien j'avais à cœur à favoriser ses intérêts, de même que de vivre avec elle dans un concert le plus parfait qu'il puisse; et qu'enfin je m'attendais que Sa Majesté Polonaise se voulût expliquer envers moi sur tous les articles susdits, afin que je puisse mettre alors les mains à l'ouvrage.
En vous expliquant de cette manière vers le Ministre, vous lui donnerez à entendre que, quant à son particulier, s'il voulait contribuer de tout son pouvoir pour que les engagements susdits entre le Roi son maître, moi et l'Empereur parvinssent à leur consistance, je m'employerai de bon cœur auprès de l'Empereur pour le disposer d'élever lui, <269>comte de Brühl, dans la dignité de prince de l'Empire et d'y joindre quelque principauté qui fût à la disposition de l'Empereur. Sur ce qui est du père Guarini, vous vous concerterez avec le Ministre de quelle manière vous pourriez vous expliquer sur tout ce que je viens de dire là-dessus ; et alors vous pouvez bien lui glisser adroitement que, pourvu qu'il se prêtât aux intérêts de l'Empereur, il n'y aurait point de difficulté que celui-ci le nommerait pour cardinal auprès de la cour de Rome, à la première promotion de cardinaux qui se ferait.
J'attends à son temps votre rapport sur tout ceci, que vous ne manquerez pas de me faire par une relation bien chiffrée, que vous m'enverrez par un exprès. Et sur cela etc.
Federic.
P. S.
Pour convaincre aussi Sa Majesté le roi de Pologne d'autant plus de la pureté de mon intention à établir entre elle et moi une amitié des plus cordiales, et lui faire voir combien je suis éloigné d'avoir de la jalousie ou de l'envie contre ses intérêts, je veux que vous fassiez connaître au comte de Brühl que, si Sa Majesté le Roi son maître avait le même désir que moi de vivre dorénavant entre nous dans une parfaite harmonie, et qu'elle voudrait s'expliquer confidemment avec moi sur les vues qu'elle pourrait avoir en Pologne, nous nous pourrions aisément entendre là-dessus, et que Sa Majesté ne me trouverait nullement dans son chemin; au contraire, que j'étais prêt d'accéder au traité qu'elle avait conclu avec la Russie.
Mais comme les idées que j'avais sur tout cela étaient d'une nature à ne pas être convenablement confiées à la plume, je laissais au bon plaisir de Sa Majesté, si elle voulait m'envoyer en secret et sans le moindre éclat une personne affidée et de confidence, munie des pleinspouvoirs nécessaires, et que je ne laisserai alors de m'expliquer à elle d'une manière par où Sa Majesté trouverait sa convenance, sans être aucunement commise. Mais qu'il fallait que cette personne fût autorisée de régler avec moi notre alliance étroite et confidente, et que je prétendais surtout qu'on devait aller droit, sans vouloir ni m'amuser ni me jouer, mais cheminer plutôt avec ouverture de cœur sans entendre finesse. J'attends votre réponse, sur tout ce que dessus, au plus tôt possible.
Federic.
P. S.
Comme aussi le secret de l'affaire que je vous ai commise, demande absolument que vous restiez à la cour du roi de Pologne, aussi longtemps qu'il faut pour voir quel biais prendra notre affaire, mon intention est que vous ne deviez point vous congédier de Sa Majesté Polonaise, lorsqu'elle partira vers Grodno, mais l'y accompagner et rester auprès d'elle, jusqu'à nouvel ordre. Aussi, pour supporter d'autant plus <270>aisément les frais que ce voyage vous obligera à faire, vous trouverez ci-joint une bourse de mille écus, que je vous envoie à cet usage.
Federic.
Nach der Ausfertigung.
267-1 Vergl. Preussische Staatsschriften I, 663.