1671. AU SECRÉTAIRE DE LÉGATION BECK A LA HAYE.

Berlin, 29 décembre 1744.

Tout ce que vous me mandez dans la dépêche du 22 courant, touchant les dispositions et les résolutions des États, me fait connaître suffisamment que le parti dominant parmi les régents de la République est constamment dans une trop grande dépendance de la cour britannique pour que l'on puisse se flatter que, sans l'aveu et le consentement de celle-ci, ils osassent faire la moindre démarche qui pût donner lieu à des ouvertures de paix ou en faciliter la négociation, de sorte qu'il me paraît inutile de les presser davantage là-dessus.

Cela ne vous empêchera pourtant pas, vous aussi bien que le comte de Podewils, dès qu'il se trouvera en état de continuer ses fonctions or<379>dinaires, que vous ne fassiez entendre en toute occasion aux membres modérés de la régence que j'étais trop persuadé de la prudence des États pour douter qu'ils ne s'appliquassent plutôt à chercher des moyens et des expédients pour terminer promptement la guerre sanglante d'à présent, également onéreuse et ruineuse pour toutes les parties intéressées, qu'à en étendre davantage l'embrasement; que ni moi ni mes alliés nous n'avions jamais été éloignés de donner les mains à un accommodement raisonnable ; que nous n'aurions même pas manqué d'en faire des ouvertures à la République, si nous eussions pu nous assurer qu'elle fût assez maîtresse d'elle-même pour les examiner et peser mûrement et sans prévention, et qu'elle eût la sérieuse intention de travailler cordialement à l'œuvre de la pacification et de contribuer tout ce qui dépendait d'elle pour en faciliter la conclusion; que les démarches présentes de la cour de Vienne et particulièrement son manifeste adressé aux habitants de la Silésie, qui seul suffirait à justifier mes dernières résolutions, montraient suffisamment qu'elle n'a été jamais sérieusement intentionnée de s'en tenir aux dispositions du traité de Breslau; que son unique but a été constamment et est encore d'opprimer et d'écraser l'Empereur aussi bien que moi, et de remettre en activité son ancien despotisme sur les membres de l'Empire; que pour parvenir à cette fin, elle se prévalait habilement de l'animosité des Puissances maritimes contre la France, et qu'aussi longtemps que celles-ci se trouveraient en humeur de mettre la nappe et de fournir de l'argent et des troupes, elle ne se lasserait jamais de la guerre ni n'entendrait à aucune pacification équitable. Que je regardais comme un grand malheur que les États n'avaient jamais voulu se résoudre de s'expliquer confidemment envers moi sur quel pied ils croyaient que la tranquillité générale pût et dût être rétablie, étant persuadé que cela m'aurait fourni moyen', pour peu que les conditions de paix eussent été équitables, de les faire goûter à mes alliés, d'autant plus que je ne prétendais absolument rien pour mon particulier ni n'avais d'autre vue que d'assurer ma propre sûreté, la conservation de l'Empereur et le maintien du système de l'Empire : objets qui ne pouvaient certainement pas être indifférents à la République même; que l'affaire n'était pourtant pas encore désespérée, et que, si les Régents bien intentionnés voulaient m'indiquer en confiance, quand ce ne serait que d'une manière indirecte, les conditions que l'Empereur et ses alliés pourraient proposer avec apparence de succès à la République, j'avais lieu de me flatter d'en pouvoir faire un usage très salutaire, sans commettre en aucune façon les Régents qui m'en auraient donné ouverture; que cependant on se tromperait fort, si l'on s'imaginait que moi et mes alliés nous ne cherchions la paix que faute de pouvoir continuer la guerre; que l'événement ferait voir la fausseté de cette persuasion et que malgré les rodomontades des Autrichiens mes affaires n'étaient pas tellement délabrées que je ne me trouvasse à même, Dieu merci, d'ouvrir de bonne heure la campagne prochaine à <380>la tête d'une armée de 120,000 combattants et de donner de la tablature à la cour de Vienne plus qu'elle ne pense, si elle s'obstine à n'entendre à aucun accommodement raisonnable, d'autant plus que je venais de recevoir de la cour de Russie de nouvelles assurances qui m'ôtaient tout sujet d'appréhender la moindre chose de ce côté-là; qu'en un mot, je ne recherchais et ne désirais la paix que par une envie sincère de voir cesser bientôt le fléau désolant dont une grande partie de l'Europe et particulièrement l'Allemagne se trouve affligée; que je serais ravi qu'on pût y parvenir pendant l'hiver, et que je m'y prêterais en tout ce qui dépendait de moi; que si je n'en pouvais pas venir à bout, ayant rempli tout ce qu'exige de ma part le devoir d'un bon patriote, je m'en consolerais; que je poursuivrais avec vigueur les mesures que la nécessité des affaires m'obligeait à choisir, et que l'obstination du parti contraire ne servirait qu'à me faire redoubler mes efforts pour obtenir, d'une manière ou d'autre, une paix solide et durable.

Federic.

H. Comte de Podewils.

Nach dem Concept.