<305> un congrès à la Haye à l'insu de ses alliés, et qu'elle avait fait retirer de Francfort le prince de Conty lorsqu'il était temps de frapper le grand coup; que d'ailleurs j'avais tant d'autres griefs contre la France que je ne m'engagerais à rien avec elle, avant que d'être d'accord sur les points capitaux. En effet, la conduite de la France à mon égard est inexcusable, on voit la plus noire ingratitude, d'un côté, et l'oubli de la bienséance même; aucune attention aux représentations que je leur ai faites ; tout l'avantage de l'alliance du côté de la France, et tout le fardeau, le danger et l'onéreux de mon côté. Cela ne peut durer, et vous verrez qu'on regrettera amèrement à Versailles de m'avoir négligé, lorsqu'on m'aura perdu. Le ministère français est justement le rebours d'un homme sensé. Une personne qui pense bien et qui a de la pénétration, lit les effets dans les causes et découvre dans le principe toutes les conséquences qui en peuvent découler. Le ministère de Versailles juge de tout par passion et selon que la circulation de son sang est embarrassée ou facile, et, quand il voit l'événement, encore a-t-il de la peine à comprendre quelle en est la raison; et vous verrez que lorsque nous serons sur le point de signer avec la cour de Vienne, on nous offrira de Paris le double de ce que nous avons demandé, pour nous conserver; mais Dieu garde que je m'embarque de ma vie avec d'aussi ingrats amis et de si misérables politiques, qui n'ont aucun système fixe, qui suivent tantôt le projet d'un tel, tantôt d'un autre, et qui, uniquement occupés de leur intérêt particulier, négligent entièrement celui de leurs alliés.
Nous avons du moins à espérer de l'Angleterre un secours pécuniaire, en cas que l'on nous attaque; et quand on voit la profonde dépendance dans laquelle le roi d'Angleterre tient la reine de Hongrie, il est bien sûr qu'elle ne pourra remuer de longtemps d'elle même et que dans dix ans elle ne sortira de la tutelle des Anglais.
J'avoue que l'élection du Grand-Duc est très fâcheuse pour nous; je m'en suis attristé, mais c'est un mal sans remède. Il faut prendre son parti dans les événements du monde sur lesquels on ne peut rien influer, et c'est ce qui me fait tourner tout-à-fait vers l'Angleterre; et à la suite de notre négociation il faudra voir si nous ne pourrons pas faire accéder la Russie, la Suède, la Hollande et le Danemark dans notre alliance. Cela nous donnera de la considération dans le monde, et le Grand-Duc sera obligé, en enrageant, d'avoir des ménagements pour moi.
Voici une lettre qui vous vaut deux heures de conversation avec moi, vous voilà instruit de ma façon de penser comme moi-même. Je ne doute point que vous n'adoptiez toutes mes idées et que vous n'em-. ployiez avec votre fidélité ordinaire toute la sagacité de votre esprit pour travailler au plan que je me propose, qui, ce me semble, eu égard à la situation actuelle où je me trouve, est l'unique objet qu'un homme prudent puisse se proposer. Je serai à Berlin le 3 de novembre, s'il