<45> l'Angleterre et des meilleures têtes de ce temps-ci, ayant toujours fort souhaité d'avoir la satisfaction de le connaître moi-même personnellement; que je me flatte qu'un ministre aussi éclairé que lui, et qui connaît si bien les affaires et les ressorts qui font agir les grands princes, devrait bien juger lui-même que jamais les liaisons entre les puissances ne peuvent être durables qu'autant que l'intérêt réciproque s'y trouve; que je veux bien m'expliquer confidemment envers lui, et avec plus d'ouverture de cœur que je ne le ferais avec un autre, sur les raisons qui m'avaient obligé, et forcé même malgré moi, à quitter les engagements dans lesquels j'avais été avec le roi d'Angleterre, et que j'espère que milord Chesterfield ne voudra jamais faire un mauvais usage de la confiance que je mets en lui. Que je le prie donc qu'il veuille bien se rappeler la duplicité avec laquelle le lord Carteret avait fait négocier contre moi sous main à la cour de Russie, où il avait contrecarré, autant qu'il avait dépendu de lui, mes négociations pour obtenir de rimpératrice de Russie la garantie de la Silésie et son accession au traité de Breslau sur ce pied-là: ce qui dénotait assez la mauvaise intention du ministre d'Angleterre d'alors de me préparer de loin des embarras capables à me dépouiller des cessions qu'on m'avait faites, ou de procurer à la cour de Vienne plus d'aisance à s'emparer d'un pays qu'elle avait été obligé de me céder; au lieu que, si l'intention du précédent ministre à mon égard avait été sincère, il aurait dû s'employer avec tout son crédit pour assurer d'autant plus la garantie que l'Angleterre m'avait faite de mes nouvelles possessions, par la concurrence des plus respectables puissances, pour m'attacher par là plus fermement à l'Angleterre, par les liens les plus indissolubles, que la sûreté seule de nos possessions peut faire naître et conserver; mais que bien loin de cela, le roi d'Angleterre, ainsi que j'avais appris de bonne main, inspiré sans doute par le conseil du lord Carteret, pour flatter la cour de Vienne de la mettre en état, un jour, de me reprendre ce qu'elle m'avait été obligée de céder, avait écrit à la reine de Hongrie, immédiatement après la signature de la paix de Breslau, une lettre relative à ce traité, où il y avait entre autres en termes exprès: que ce qui était bon à prendre, était bon à rendre.
Vous ferez remarquer, aussi, à milord Chesterfield que sous l'administration du lord Carteret on avait regardé le roi d'Angleterre comme un monarque despotique qui, plus occupé alors de ses intérêts d'Allemagne que de ceux de la nation, se procurait par des corruptions et des gens gagés une supériorité sûre, pour favoriser ses vues relatives à l'agrandissement de sa maison en Allemagne; que pair conséquent les sentiments du ministère d'Hanovre prévalaient entièrement et simplement dans ce temps-là dans le conseil anglais; que beaucoup de démêlés, de chicanes et de petites affaires avaient rendu les intérêts de l'électorat de Brandebourg incompatibles avec ceux de celui d'Hanovre, et qu'une jalousie mal placée, et nourrie soigneusement par le ministère d'Hanovre,