1737. AU CONSEILLER ANDRIÉ A LONDRES.
Potsdam, 27 février 1745.
J'ai reçu vôtre dépêche du 16 de ce mois, mais je n'ai pas été satisfait de la façon dont vous vous êtes expliqué à milord Harrington. Les principaux articles de votre négociation sont ceux que je vais vous rappeler :
1° Que mes alliés, s'entend l'électeur de Bavière, le Palatin et la Hesse, soient compris dans mon accommodement. Sur cet article-là, vous devez voir et proposer si lord Harrington et le ministère anglais seraient disposés à procurer à l'électeur de Bavière un dédommagement, comme pourrait l'être l'Autriche antérieure. Si vous ne voyez aucun jour pour y réussir, tentez s'il n'y a pas moyen de faire avoir à l'électeur de Bavière un dédommagement en argent, et si cela manque encore, insistez sur la restitution in integrum.
2° Quant à moi, vous ferez des insinuations à lord Harrington pour lui faire sentir que, pour avoir une paix bien solide et bien stable avec la reine de Hongrie, et pour que je puisse me résoudre de donner ma voix au duc de Lorraine, dont l'agrandissement sans cela me pourrait être très dangereux et très préjudiciable, je demande cette partie des montagnes qui servait aux Autrichiens pour débouchés pour entrer dans mon pays, comme Trautenau, Braunau, Nachod, Neustadt, Jaromircz, Grulich, sur la frontière de Bohême, et, avec cela, le reste de la Haute-Silésie avec l'enclavure de Hotzenplotz, dont les Autrichiens se sont toujours prévalu pour me chicaner et pour me faire toutes les sortes de chagrins qu'ils ont pu.
Si vous ne voyez aucun jour à réussir par ces propositions, si vous croyez que cet objet paraît trop grand, et qu'il n'y a pas d'apparence de réussir, vous vous relâcherez sur toute la frontière de la Bohême et vous n'insisterez que sur la Haute-Silésie avec les enclavures de la Moravie.
Si vous voyez que la chose est encore entièrement impossible et que cet objet pourrait peut-être révolter le ministère anglais et accrocher la paix, alors il faut se retrancher sur la paix à faire conjointement avec mes alliés susdits de Francfort, avec une restitution in integrum pour chacun, et, quant à moi, sur le pied de la paix de Breslau. En ce cas-là, ménagez si vous pouvez l'article de ma voix à donner pour l'élection du duc de Lorraine.
Vous voici à présent parfaitement au fait de tous mes sentiments, et je ne vois pas que je vous puisse donner des éclaircissements ultérieurs.<63> Si vous pouvez faire agréer les meilleurs articles, ce me sera d'autant plus agréable, mais quand même vous ne m'annonceriez que la paix, je serais content de vous. Souvenez-vous que la saison des opérations commence vers la fin d'avril, qu'il est beaucoup plus difficile de faire la paix pendant les opérations qu'avant que de les avoir commencées, que je ne puis me laisser amuser par des réponses et des propos aussi vagues que ceux que vous m'avez envoyés du ministère anglais. Dans cette occasion-ci, il me faut des choses et des réalités au lieu des paroles, et les inclinations que le ministère anglais témoigne en ma faveur ne sont guère utiles s'il ne les réalise en travaillant sérieusement à la pacification de l'Allemagne. Je me flatte donc que vous pousserez cette négociation avec autant de discrétion que de chaleur, pour me mettre promptement au fait de ce que j'ai à espérer du côté de l'Angleterre.
Vous pouvez dire à lord Harrington que j'avais reçu la lettre du roi d'Angleterre,63-1 touchant le secours stipulé dans la garantie de l'Angleterre sur le traité de Breslau; que, Dieu merci, le bon Dieu avait béni mes armes de façon que les Autrichiens avaient été chassés toute part de la Silésie, avec des pertes assez considérables et sans le secours d'aucun de ceux qui m'avaient promis leur garantie, et qu'actuellement je n'ai besoin d'aucun secours.
Vous pouvez lui dire encore que je ne savais que répondre à la déclaration qu'il vous a faite au nom du Roi et du ministère anglais,63-2 que j'y voyais beaucoup de paroles et très peu de choses, et qu'à la vérité j'aurais dû m'attendre à une réponse plus amicale de leur part, après les avances et les ouvertures que je leur avais fait faire; qu'en cas que l'Angleterre pense à l'élévation du duc de Lorraine sur le trône impérial, je m'étais offert d'y contribuer, et que lord Harrington aurait pu voir par tout ce que je vous ai mandé dans la dépêche que j'ai faite au comte de Podewils dont je vous ai envoyé une copie,63-3 combien l'élévation du duc de Lorraine au trône impérial pourrait attirer des suites dangereuses pour mes intérêts; qu'indépendamment de toutes les avances que j'avais faites, je ne pouvais pas croire, vu la froideur et l'indifférence avec laquelle elles ont été reçues, que le ministère anglais fût porté en ma faveur autant qu'il me le veut persuader; que j'ai la confiance à lui, lord Harrington, qu'il pense plus juste sur mon sujet que les autres: c'est pourquoi je le prie de continuer à agir confidemment avec moi et de ne point abuser de la confiance que je mets en lui, en me leurrant de vaines espérances sur les intentions véritables et sincères du roi d'Angleterre et du ministère.
La seule pierre de touche qu'il y a pour connaître l'intention du ministère anglais, est de proposer à lord Harrington de convenir ensemble de quelques articles principaux, et de faire un traité provisionnel qui<64> serve de base à notre accommodement et que le ministère anglais se chargera de faire agréer à la reine de Hongrie. Si ce point-là ne me réussit pas, qu'il me sera impossible d'entrer en rien avec lui, puisqu'on usera autrement de toute sorte de délais, attendant un jour un courrier de Vienne, un autre un de la Haye, le troisième des éclaircissements de la Saxe, et ainsi du reste; que ma situation ne me permet pas que je reste en suspens; que j'ai fait dans cette occasion ce que j'ai pu pour l'Angleterre, en leur offrant mon amitié et d'entraîner avec moi dans leurs intérêts les principaux princes de l'Allemagne, et que je les avertis d'avance que je ne pourrais pas rester dans l'inaction et qu'il me faudrait autrement des alliés et des amis; de plus, que dans les conjonctures aussi importantes que celles d'à présent je ne puis pas, sans risquer de perdre mes affaires, rester plus longtemps sans prendre un parti fixe; si l'Angleterre ne voulait en aucune façon s'expliquer avec moi, que je serais nécessité de former de nouveaux engagements avec la France, dont je suis actuellement dégagé par la mort de l'Empereur; que je les prie de penser à ce qu'ils avaient à faire et de ne pas me mettre par leur délai hors d'état de m'unir avec eux, et que je les avertis que, si une fois j'engageais de nouveau ma parole avec la France, il ne dépendrait plus de moi de la retirer, de sorte que, si leur sincère intention était de renouer nos anciennes liaisons, c'est à présent le moment ou jamais de profiter du bénéfice du temps.
Et sur cela, je prie Dieu etc.
Federic.
Nach der Ausfertigung.
63-1 D. d. London, 25. Januar 1745. Vergl. Bd. III, 360.
63-2 Vergl. Preussische Staatsschriften I, 641.
63-3 Oben Nr. 1722.