1953. AU MINISTRE D'ÉTAT BARON DE MARDEFELD A SAINT-PÉTERSBOURG.

Camp de Chlum, 10 août 1745.

J'ai reçu la relation que vous m'avez faite le 27 de juillet passé, et ce n'a pas été sans indignation que j'y ai vu les propos indécents que le Chancelier vous a tenus par rapport à mes démêlés avec la Saxe. Je ne suis ainsi point surpris que le comte de Tschernyschew à Berlin en ait tenu de pareils, à peu près, envers mes ministres, dont ceux-ci vous auront déjà averti; mais comme je ne saurais regarder tout cela que comme un jeu concerté entre la cour de Dresde et le Chancelier, sans que l'Impératrice en ait la moindre connaissance, me fiant tout-à-fait sur les fortes assurances que vous m'avez données du contraire, je crois qu'il sera très nécessaire que, sans vous plaindre directement des propos susmentionnés à l'Impératrice, vous tâchiez avec votre adresse ordinaire de les lui faire parvenir indirectement et de bonne grâce, par mes amis qui ont sa confiance, sous prétexte, par exemple, que le chagrin que vous aviez conçu de ces propos, vous avait fort abattu et rendu presque malade. Il ne saurait pas manquer alors que, par la façon dont l'Impératrice s'expliquera là-dessus, vous ne soyez au fait si c'est par ordre de l'Impératrice ou non que le Chancelier vous a parlé; d'ailleurs, il sera très nécessaire que vous fassiez parvenir de la même façon à l'Impératrice, le plus tôt le mieux, un<252> précis de mon manifeste, afin qu'elle soit informée des motifs que j'ai eus d'éclater contre la Saxe, avant que le Chancelier la puisse prévenir tout-à-fait contre moi. Vous ferez assurer en même temps à l'Impératrice de la manière la plus positive que, si j'avais été obligé d'en venir à des éclats avec la Saxe, ce n'était nullement dans l'intention de faire des conquêtes sur elle, ni de l'abaisser, mais uniquement pour la faire revenir des engagements très dangereux et pernicieux qu'elle avait pris contre moi, savoir de partager la Silésie entre elle et la reine de Hongrie et de prendre le duché de Magdebourg, mais que j'étais à tout moment prêt à me réconcilier avec elle, pourvu qu'elle ne voulût plus persister dans ses pernicieux engagements, mais vivre plutôt avec moi en paix et repos; que de cette façon-là je ne croirais jamais que l'Impératrice voudrait donner des troupes à la Saxe contre moi, ce qui ne serait autre chose que si elle déclarait à moi-même la guerre; que l'intention de l'Impératrice ne pouvait jamais être que la Saxe devait s'emparer de mes provinces, sans que je dusse la prévenir sur ses desseins, ce -que je ne pouvais point avoir mérité par tout ce que j'avais fait pour la Russie et pour l'Impératrice même. Du reste, je suis trop persuadé de votre zèle et de votre fidélité pour que vous n'employiez tout votre savoir-faire et tous vos soins pour empêcher dans ce moment critique que la Russie ne se déclare point pour la Saxe, mais qu'elle lui inspire plutôt des sentiments de modération, en lui conseillant sérieusement de s'accommoder avec moi le plus tôt le mieux, et de vivre avec moi en paix, ce qui était tout ce que je lui demandais, et à quoi je me prêterais de bien bon cœur. J'attends vos relations bien exactes et bien détaillées sur ce chapitre-là.

Federic.

Nach Abschrift der Cabinetskanzlei.