2076. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS A BERLIN.

Ostritz, 27 novembre 1745.

Mon cher Podewils. En entrant ici, je viens de recevoir les deux lettres que vous m'avez faites le 23 de ce mois. Je suis marri de la grande consternation où la bonne ville de Berlin a été mise par des bruits d'un dessein que l'ennemi avait sur elle. Si l'on s'était pris avec plus de prudence et de secret et ménagement dans plusieurs arrangements, on aurait pu épargner bien des frayeurs aux pauvres habitants. J'espère que cette terreur sera passée à présent par tout ce que je vous ai mandé. Jusqu'ici, je n'ai point de nouvelles de l'approche d'un corps ennemi dans la Basse-Lusace, sinon qu'un de mes conseillers provinciaux me mande, en date du 22, qu'on y avait ordonné des quartiers pour un corps de troupes vers le 26 ou le 27. Comme la scène s'est bien changée, le 23, j'espère que l'ennemi y pensera deux fois, avant que de faire de nouvelles entreprises, pourvu que le prince d'Anhalt fasse bien ses affaires et ne lanterne point avec les Saxons. Grâce à Dieu, tout va bien ici. La consternation est si grande auprès de l'ennemi qu'il laisse en arrière chariots, bagages et tentes, pour aller d'autant plus vite repasser les montagnes de Bohême. J'ai poussé jusques ici, où je ferai reposer demain la plupart des troupes. Je ferai, nonobstant cela, occuper demain Zittau et après-demain Bautzen, d'où j'enverrai des patrouilles jusqu'aux faubourgs de Vieux-Dresde. Enfin, ne craignez rien de mon côté, où nous venons de finir les affaires, et si le prince d'Anhalt fait son devoir avec vigueur et succès,<350> tout ira bien: ou je me trompe fort, ou nous aurons la paix cet hiver. Sur quoi, je prie Dieu etc.

Je me flatte que vous serez content de moi, car, de mon côté, j'ai sauvé ma patrie du plus cruel des malheurs, et toute mon expédition ne me coûte que 30 morts, tout au plus, et 70 blessés; nous en avons eu autant en Bohême à un seul fourrage. Dieu soit loué, nos ennemis sont battus, sans que je les aie pu atteindre, et j'ai fait tout ce qu'un général peut exécuter, avec le moins d'effusion de sang et avec les plus grandes suites. La fuite des ennemis est honteuse, et ils ont si mal agi envers les Saxons que, pour peu que l'on connaisse la guerre, l'on s'aperçoit qu'ils les ont sacrifiés de gaieté de cœur; en un mot, bénissons la Providence de nos succès. Je suis entré en Lusace le 23, et le 27 il n'y a plus d'Autrichien dans le pays; je souhaite du fond de mon cœur que le prince d'Anhalt agisse avec la même activité, et la paix ne tardera guère d'arriver, arrive ce qui pourra. J'ai de mon côté la conscience nette, et, devant Dieu et mon pays, je n'ai aucun reproche à me faire, mais je me flatte de beaucoup de bonnes nouvelles; car si le vieux Prince veut, je lui donne beau jeu. Adieu. Dieu vous conserve tous ensemble. Vous ne doutez pas que mes vœux sont bien sincères. J'attends ici ou à Görlitz l'événement de Leipzig, ce qui déterminera mon départ pour Berlin. Communiquez

ceci à tous les bons Israélites.

Federic.

Nach der Ausfertigung. Der Zusatz eigenhändig.