2301. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS, ENVOYÉ EXTRAORDINAIRE, A VIENNE.
Neisse, 5 août 1746.
La dépêche que vous venez de me faire en date du 30 du mois de juillet passé, m'a été rendue. Il est sûr que l'événement de la mort du roi d'Espagne154-1 influera beaucoup dans les affaires générales; mais si la cour de Vienne s'en promet déjà de plus grands avantages, il sera à voir encore si elle gagnera au changement. Il est sûr que le nouveau roi d'Espagne a écrit une lettre au roi de France dont on a paru fort content à Versailles, et d'ailleurs, le ministre de France à Madrid, l'évêque de Rennes, doit avoir mandé à sa cour que le nouveau roi d'Espagne lui avait dit qu'il soutiendrait les engagements du feu Roi son père et qu'il avait envoyé ordre en Italie d'agir dans le plus grand concert avec les Français. Ceux qui croient connaître ce nouveau Roi, disent que ce n'est pas un génie supérieur, mais qu'il a pourtant bon esprit, et qu'il a le caractère espagnol. Il n'est pas à douter que l'Angleterre tâchera de se le concilier par toutes sortes de moyens; mais comme la France fera tout son possible pour conserver le crédit qu'elle a eu jusqu'ici à la cour de Madrid, ce sera un défi entre ces deux puissances à qui l'emportera?
<155>Je viens d'être informé en secret de fort bonne main du contenu des articles qui ont fait jusqu'à présent la matière de la négociation entre la France et la Hollande,155-1 dont je veux bien vous faire confiance, quoique sous le sceau du plus grand secret et uniquement pour votre direction et pour vous aider à vous procurer des lumières d'autant plus sûres. Il y a treize articles qui ont fait le sujet des conférences entre les ministres de France et ceux de Hollande. Le premier en est la garantie de la barrière, laquelle la France offre perpétuellement à la Hollande, pourvu que celle-ci s'engage de ne jamais souffrir que la France puisse être attaquée par la reine de Hongrie, ou que, si elle l'est, elle emploiera ses forces pour l'empêcher. La République ne veut promettre que des offices et de ne fournir contre la France ni troupes ni argent. Le second article regarde le rétablissement du traité de commerce fait entre la France et la Hollande en 1739; le troisième, mon inclusion pour la Silésie. Les autres sont que le roi de France s'offre à rendre tout ce qu'il a pris aux Pays-Bas autrichiens, à la réserve de certaines enclaves. L'Angleterre demande que Dunkerque soit remis sur le pied qu'il était en 1717, la France insiste qu'il reste comme il était en 1740. L'Angleterre demande le rétablissement de son commerce en Amérique sur le même pied qu'il était avant qu'elle fût en contrariété avec l'Espagne, et avec toute liberté de navigation. La France demande la restitution du cap Breton et un établissement en Italie pour l'infant Don Philippe, pour lequel la cour de Vienne a offert la Toscane et que la reine de Hongrie donnera à l'Empereur le royaume de Bohême, pendant sa vie, et que, lorsque l'infant Don Philippe serait parvenu au royaume des Deux-Siciles et le roi des Deux-Siciles à celui d'Espagne, la Toscane retomberait au frère de l'Empereur; mais, depuis la bataille de Plaisance,155-2 la cour de Vienne n'offre plus pour l'établissement de l'Infant que le duché de Parme et le reste de celui de Plaisance qui n'a pas été abandonné au roi de Sardaigne par le traité de Worms. Il y a un article que l'Empereur sera reconnu par la France et par l'Espagne; un autre sur la cession du duché de Limbourg et de la Gueldre autrichienne pour le Palatin; un autre sur l'entière restitution des États du roi de Sardaigne, de même que sur le rétablissement du duc de Modène dans ses États, et les Génois confirmés dans les leurs, et particulièrement dans Finale. Enfin, les treize articles dont il s'agit doivent faire le fondement d'une paix générale. Voilà tout ce qui m'en est revenu, sur quoi vous garderez pourtant un secret fort scrupuleux.
J'ai été fort surpris de voir la bizarre insinuation que le comte de Colloredo vous a voulu faire, comme si en conformité du traité de Dresde je devais concourir — en même temps qu'on inviterait l'Empire à se charger de la garantie du traité de Dresde — à porter l'Empire de garantir la Sanction Pragmatique. Il ne s'agit point dans le cas<156> présent d'une garantie de la Pragmatique, mais de la garantie de l'Empire du traité de Dresde. Dans l'article huitième,156-1 l'impératrice-reine de Hongrie s'est engagée à me garantir tous mes États sans exception, et moi, à lui garantir tous les États qu'elle possède en Allemagne. Dans l'article neuvième156-2 il s'agit de deux choses, dont la première est que le roi de la Grande-Bretagne prend sur soi de joindre ses soins à ceux des deux parties contractantes, pour faire garantir notre traité, non seulement par la Hollande, mais aussi par tout l'Empire; et voilà notre cas, qui doit être accompli présentement. Ce qui suit dans cet article et en fait le second membre — savoir qu'on doit faire comprendre, inclure et garantir dans le futur traité de la paix générale tous mes États et pays, et en particulier les traités de paix de Breslau et de Dresde, tout comme les États et pays de l'Impératrice-Reine — sera à régler lorsqu'on traitera sur la paix générale, mais ne doit point empêcher qu'en attendant on ne satisfasse à ce qui est stipulé dans le premier membre de cet article, touchant la garantie de l'Empire du traité de Dresde; ainsi donc, que vous deviez vous expliquer de cette façon-là vers le comte de Colloredo, en y ajoutant que, comme j'observerais exactement les engagements que j'avais pris avec l'Impératrice-Reine, je m'attendais au réciproque de sa part; que je lui garantirais ses États d'Allemagne sans difficulté contre la garantie qu'elle m'avait promise dans notre traité; que je tâcherais même à disposer l'Empire à lui garantir ses États, mais que je ne ferais ni plus ni moins de ce qui est contenu littéralement dans notre traité.
J'attends encore l'arrivée du chocolat que vous m'avez envoyé, et ne manquerai pas de vous payer le compte de ce que vous en avez déboursé.
Federic.
Nach dem Concept.
154-1 Philipp V., † 9. Juli.
155-1 Vergl. S. 153.
155-2 Vergl. S. 121.
156-1 Vergl. S. 166 Anna. 3.
156-2 Ebend.