<248> nombre même de ces troupes que la Suède avait sur pied, n'était dès longtemps point suffisant à résister à la Russie seule : comment donc on voudrait qu'il s'opposât efficacement dans un même temps à cette Russie et au Danemark ensemble? Qu'il en était de même de la flotte de Suède que de son armée de terre; qu'outre cela la Suède manquait, de beaucoup, des fonds nécessaires à entreprendre une guerre, que la Suède ne pouvait point se flatter que la France et ses alliés s'incommodassent grandement pour lui transmettre des remises en espèces, qu'elle se tromperait à coup sûr si elle y faisait fond.
Que, pour ne rien cacher à la Princesse Royale, ma sœur, je devais lui dire qu'on ne pouvait point se flatter en Suède avec fondement, à cause des circonstances d'à présent, que telle guerre, pour peu importante qu'elle fût, dût avoir une issue favorable à elle. Que je convenais que la Suède était plus que fondée en raisons d'être mécontente de ses voisins; que je convenais aussi qu'un changement dans la forme du gouvernement ne serait pas moins favorable à la nation suédoise ellemême qu'au Prince-Successeur; mais que je n'en étais pas moins d'opinion que — dès que, par les circonstances dans lesquelles l'on se trouvait, l'on ne pouvait se promettre que d'exposer tout-à-coup sa fortune à de grands hasards par une démarche précipitée, — il valait mieux, en ce cas, s'en tenir à la prudence, pour lui donner la préférence; que toute probabilité tant de la bonne que de la mauvaise issue de l'affaire étant contre la Suède, j'en concluais que la seule chose qui restait à faire, d'abord après la mort du roi de Suède, serait de n'entreprendre rien d'autre que simplement d'établir le Prince-Successeur sur le trône de Suède.
La raison fondée sur la vivacité des Suédois, et de vouloir profiter de leurs bonnes intentions qu'ils ont à présent, ne sont point choses suffisantes à être mises en comparaison avec ce que je viens d'alléguer ci-dessus.
Je suis bien aise, au reste, de vous avoir épanché tout ce que. j'avais à vous dire relativement au sujet, afin que, si l'on venait à précipiter l'affaire là où vous êtes et qu'elle manquât du succès favorable qu'on pourrait s'en désirer, on ne puisse en aucune façon m'en faire des reproches. Aussi insinuerez-vous le tout à la Princesse Royale, ma sœur, et lui ferez lire cette dépêche, si elle le demande.
Au surplus, il est décidé présentement que la Russie ne sera point admise aux conférences d'Aix-la-Chapelle, que le corps auxiliaire russien hivernera en Moravie et en Bohême, et qu'il ne se remettra en marche qu'au mois de mars prochain pour s'en retourner en Russie.
Federic.
Nach dem Concept.