3228. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE FINCKENSTEIN A SAINT-PÉTERSBOURG.
Potsdam, 27 août 1748.
Je mettrai en pratique l'expédient que vous me fournissez par votre dépêche immédiate du 10 de ce mois pour tâcher de découvrir la vérité de certaines affaires. Les conférences entre les ministres dont vous faites mention, et les messages des fréquents courriers qu'ils reçoivent et font partir à leur tour, ne roulent sans doute et n'ont pour objet, selon que je m'en tiens persuadé et qu'on me le confirme d'autre part, que la négociation d'une nouvelle alliance, à laquelle ils seraient bien aises de faire prendre couleur, pour la consolider ensuite de façon qu'elle pût<217> procurer l'exécution des vues qu'ils se sont proposé d'obtenir par elle. Vous n'épargnerez rien de tout ce qui dépendra de vous pour vous mettre au fait des particularités qui peuvent y avoir quelque rapport. Je me doute, en attendant, sur cette négociation, que l'Angleterre y fait le rôle de partie contractante principale, ce qui au fond me reviendrait davantage que si c'étaient les Autrichiens qui y soutenaient ce caractère.
Federic.
P. S.
Après vous avoir marqué que vous deviez vous-même déchiffrer le présent post-scriptum, je vous dirai dans la plus grande confidence, à vous seul, que j'ai trouvé moyen d'apprendre que, le courrier expédié en dernier lieu par milord Hyndford ayant à son passage par Berlin remis une lettre du comte Bernes au résident autrichien Weingarten à Berlin, celui-ci, en parlant sur ce sujet à un de ses plus intimes, lui doit avoir confié que le comte Bernes lui avait écrit que, le parti français et prussien en Suède se donnant toutes les peines imaginables pour procurer après la mort prochaine du roi de Suède la souveraineté au prince royal de Suède, le chancelier Bestushew, eu égard à ces circonstances, serait bien aise d'empêcher le voyage que l'Impératrice avait résolu de faire en Moscovie; que, comme c'était le comte Keyserlingk qui pouvait contribuer le plus à lui faire obtenir son but, en se servant des couleurs les plus vives dans ses relations à l'Impératrice pour lui représenter les vues pernicieuses qui pouvaient être cachées sous les préparatifs de guerre qui se faisaient ici, le comte Bernes l'avait requis, lui, Weingarten, de faire son possible pour animer le comte Keyserlingk à satisfaire là-dessus aux desseins du chancelier Bestushew. Que ledit comte Keyserlingk étant déjà fort prévenu contre la cour d'ici et au contraire tout dévoué à celle de Vienne, lui, Weingarten, n'en avait eu que meilleur jeu avec lui; qu'il avait obtenu ses vues au point même que Keyserlingk lui avait donné à lire son dernier rapport à l'Impératrice, qui avait été entièrement dressé dans le goût du Chancelier; qu'il lui avait outre cela donné les plus positives assurances qu'il ne cesserait point de continuer sur le même ton dans les rapports qu'il faisait chaque semaine à sa cour.
Voilà ce que j'avais à vous dire, à vous seul, confidemment, vous enjoignant néanmoins que, quand vous trouverez occasion de vous entretenir tête à tête avec l'ami important, vous deviez alors, quoique dans la dernière confidence, lui donner connaissance de cette indigne manœuvre et le convaincre par là que les ministres autrichiens avaient assez de front pour se servir même des ministres russiens, pour en imposer à leur propre souveraine par des mensonges controuvés et par des faussetés les plus grossières, ce qui ne manquerait de se vérifier à l'ami important par les rapports du comte Keyserlingk.
Je suis persuadé, au reste, que je ne risque rien avec vous pour le canal par lequel je suis mis au fait de ces sortes d'anecdotes, et je<218> suis entièrement convaincu, par la sagesse que je vous connais, que, lorsque vous en parlerez à l'ami important, vous le ferez avec circonspection et que vous y saurez apporter assez de précaution pour que le secret de la confidence que je viens de vous faire n'en souffre aucunement. Je me tranquillise là-dessus.
Federic.
Nach dem Concept.