3318. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Potsdam, 29 octobre 1748.

J'ai reçu la dépêche que vous m'avez faite le 15 de ce mois. Les soupçons dont le comte de Tessin vous a fait part contre la cour de<275> Danemark, et l'intention qu'il lui attribue de vouloir éclater ouvertement contre la Suède, me paraissent hors de toute vraisemblance. Pourrait-on croire que cette cour-là voudrait entrer en guerre contre la Suède dans une saison aussi avancée que la présente? Par quelle puissance capable à lui fournir les moyens de soutenir une pareille démarche, sera-t-elle appuyée ? Le roi de Suède étant encore en vie, que prétexte trouvera-t-elle pour assaillir le royaume, et quelles brouilleries intestines y a-t-il, sur lesquelles cependant la cour de Copenhague a toujours mis sa plus grande espérance?

Mais ce qui me révolte encore plus contre le comte Tessin, ce sont les expédients dont il voudrait se servir pour conjurer le prétendu orage, que je trouve entièrement hors de saison et tout-à-fait inpraticables, parceque premièrement vous devez savoir que le traité définitif de paix a été signé le 18 de ce mois des ministres de toutes les puissances intéressées, et que par conséquent le congrès à Aix-la-Chapelle est autant que fini. En second heu, ce serait la faute la plus grossière que la Suède pourrait commettre dans les circonstances présentes, si elle voulait mettre aux yeux de tout le monde sa faiblesse par des sollicitations qu'elle voudrait faire à la France afin d'assembler un congrès général pour la tirer des alarmes qu'elle a à l'égard de la mauvaise volonté de ses voisins, au lieu que son jeu doit être de n'en pas témoigner la moindre inquiétude. De plus, quelle bonne raison alléguerait la France pour assembler un tel congrès pendant que personne ne fait du mal ouvertement à la Suède? et la cour de Danemark n'éluderait-elle pas tous les reproches que la France voudrait lui faire, en mettant ses ostentations et sa façon de se conduire dans un jour avantageux? Mais ce qui me fâche le plus à ce sujet, c'est que je vois aussi peu de fermeté dans la façon de penser du comte Tessin, et qu'il va si légèrement d'une extrémité à l'autre, passant tout d'un coup d'une hardiesse inconsidérée à un excès de timidité.

Quant à moi, je conseillerai toujours à la Suède de garder dans les circonstances présentes le juste milieu dans ce qu'elle voudra faire à l'événement de la mort du roi de Suède, c'est-à-dire de couronner roi le Prince, successeur au trône, sans la moindre innovation et principalement sans toucher à la forme du gouvernement, afin de ne donner aucune prise par là à ses envieux. Si la Suède veut bien agir en conséquence de ce mon conseil, je suis tout-à-fait persuadé qu'elle n'aura ni guerre ni d'autres inconvénients à craindre de qui que ce soit; au lieu que, s'il leur arrive que pendant la première convocation des États ils veuillent toucher à la forme du gouvernement, ils s'attireront infailliblement beaucoup de mauvaises affaires, ce que vous ne laisserez pas d'insinuer dans des termes convenables au comte de Tessin.

Au surplus, je veux bien vous faire part à cette occasion de ce qu'une de meilleures têtes en Russie a mandé à quelqu'un de ses amis, savoir que les armements du Danemark ne signifiaient rien et qu'on pourrait<276> être bien sûr que les Danois resteraient tranquilles. Vous pouvez bien communiquer confidemment cette circonstance au comte Tessin, pour le rassurer par là en quelque façon contre les susdits appréhensions, quoiqu'il faille le tenir toujours dans une situation tempérée, en lui recommandant fort de bien observer le juste milieu dans cette affaire-ci et de n'être ni trop entreprenant ni trop timide, extrémités dont l'une ou l'autre perdrait infailliblement leurs affaires.

Federic.

Nach dem Concept.