3578. AU CONSEILLER PRIVÉ DE GUERRE DE KLINGGRÆFFEN A LONDRES.
Potsdam, 1er avril 1749.
Je viens de recevoir la dépêche que vous m'avez faite du 18 du mois passé de mars, et le jugement que vous portez, que c'est principalement l'ouvrage de la cour de Vienne que tous ces chipotages qui ont duré depuis la paix faite avec la France et qui agitent jusqu'ici tout ce qui s'intéresse pour la tranquillité du Nord, est très solide et bien avéré de tout ce que j'en ai de preuves authentiques en main. Vous aurez vu ce que je vous en ai mandé par ma dépêche précédente. Je viens de découvrir encore, par un canal très sûr et authentique, que, pour entraîner l'Angleterre dans les vues des deux cours impériales, le chancelier Bestushew, poussé par le ministre autrichien en Russie, comte Bernes, est sur le point de donner une nouvelle note ou mémoire au ministre anglais, milord Hyndford, par lequel l'on pressera au possible, de nouveau, l'Angleterre d'accéder au nouveau traité d'alliance que les deux cours impériales ont fait entre elles, avec cette différence seulement que la Russie ne demandera pas en termes clairs et formels à l'Angleterre le renouvellement ou la prolongation de la convention de subsides,466-1 l'impératrice de Russie ayant cru qu'il fut contre sa dignité et gloire d'en faire des demandes expresses depuis que l'Angleterre avait déclaré que le temps de la convention de subsides était expiré et qu'elle n'en voudrait plus payer; mais qu'au lieu de cela on tournerait le mémoire de façon qu'on ferait envisager au roi d'Angleterre les dangers éminents et pressants qu'il avait à craindre pour ses possessions en Allemagne, si l'Angleterre hésitait encore d'accéder aux concerts des deux cours impériales, et que d'ailleurs la cour de Vienne prendrait à sa tâche de pousser la cour de Londres à renouveler avec celle de Russie la convention de subsides. Voilà ce qui m'est entré de lieu très sûr et dont j'ai bien voulu vous avertir pour votre direction. Au surplus, je remets à votre jugement si vous croyez convenable d'avertir le sieur Durand de ces anecdotes, en les habillant de façon que je ne saurais perdre<467> par quelque indiscrétion le canal d'où je viens de les savoir. Je remets d'ailleurs à votre sagacité si vous trouvez convénient à mes intérêts d'en faire entrevoir quelque chose au duc de Bedford, en lui disant comme en riant qu'il n'avait qu'à se préparer à voir dans peu de temps un pareil mémoire de la part des deux cours impériales.
Au reste, j'approuve fort les sages insinuations que vous avez faites au sieur Durand; il est d'autant plus nécessaire que nous ne nous fions pas aux belles apparences, que mes avis sont que les préparatifs de guerre des Autrichiens et des Russes vont toujours et sans discontinuation leur grand train. D'ailleurs, quand je pose même que les déclarations faites au colonel de Yorke, et à Londres par le sieur Durand,467-1 aient changé en Angleterre le cas, et que le ministère aille rondement, la question restera encore à décider si les deux cours impériales ne sont pas intentionnées et en état de commencer la guerre au Nord sans le secours de l'Angleterre, question que je ne sais pas décider encore et dont je ne sais d'ailleurs si vous pouvez trouver moyen de m'aider à m'orienter là-dessus, là où vous êtes.
Federic.
Nach dem Concept.
466-1 Vergl. S. 453.
467-1 Schon am 14. März hatte Klinggräffen berichtet: „Durand m'a dit qu'il avait déclaré par ordre de sa cour au secrétaire d'État (Bedford) que la France voyait avec déplaisir les troubles qui menaçaient le Nord, qu'elle espérait qu'on pourrait les prévenir, mais que, si contre toute attente on ne pût y réussir, on n'ignorerait pas ici les traités qu'elle avait avec la Suède : qu'elle ne pourrait pas s'empêcher alors de remplir ses engagements. Pareille déclaration a été faite à Paris au colonel Yorke.“ Das letztere bestätigt Chambrier's Bericht vom 21. März; vergl. Nr. 3579.