4355. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A COMPIÈGNE.
Chambrier berichtet, Paris 1. Juni: „Quand on cherche à connaître comment la Russie et ses alliés pensent véritablement sur la conduite qu'ils doivent tenir relativement à l'intérêt d'un chacun pour gagner la supériorité en Europe contre la France et ses alliés, on ne trouve pas qu'ils puissent rien faire de plus convenable pour eux que d'allumer une guerre dans le Nord, pour empêcher que les liaisons qui se sont établies entre Votre Majesté, la Suède et la France, ne deviennent trop dangereuses pour la Russie et ses alliés, si on les laisse affermir pendant quelques années et que chacun se bonifie dans son intérieur par la jouissance de la paix et le repos de ses peuples. C'est pour l'empêcher que les démonstrations de la Russie furent résolues, aussitôt qu'on vit que, les préliminaires d'Aix-la-Chapelle étant signés, il n'y avait pas d'autre moyen pour en venir à Votre Majesté et ensuite à la France, que de faire attaquer la Suède par la Russie et de tenir Votre Majesté en échec par les Autrichiens. On se nattait que la France, qui sortait d'une guerre qui l'avait épuisée, et dont elle était lasse beaucoup plus que ses ennemis, ne s'empresserait pas à rentrer dans une nouvelle guerre qui se ferait bien loin de ses frontières. Mais par les déclarations qu'elle a faites à Londres et à Vienne, lorsque le nuage qui menaçait le Nord grossissait, on a cru en Angleterre et à Vienne que ce qui rendait la France si décidée pour se montrer en faveur de Votre Majesté et de la Suède, était la facilité avec laquelle elle se flattait de reprendre les Pays-Bas autrichiens, avant que ses alliés pussent y assembler une armée capable d'arrêter les Français. On sait d'ailleurs à Vienne et à Londres qu'il n'y a point de guerre qui convienne mieux à la France de toute façon, que celle-là, et qu'on crie fortement en France contre la restitution que la dernière a faite de ses conquêtes par la paix d'Aix-la-Chapelle.“ | Königsberg, 15 juin 1750. J'ai bien reçu la dépêche que vous m'avez faite du 1er de ce mois. Pour ce qui regarde les affaires du Nord, je crois que vous ne vous trompez point dans le raisonnement que vous faites à ce sujet, et que le plan des cours de Vienne et de Londres a été effectivement tel que vous me le représentez. Quant à la réparation des places de barrière dans les Pays-Bas, mes lettres de la Haye m'apprennent que l'Angleterre et la république de Hollande répareront à frais communs les fortifications d'Ypres et de Tournai, et que la cour de Vienne, pour y engager les deux puissances, faisait hâter celles de Möns et les disposer de- façon que 3 à 4,000 hommes, à ce qu'on prétend, suffiront pour garder cette place, au lieu des 12,000 hommes qu'il fallait ci-devant. L'on prétend que c'est principalement sur cet objet qu'ont roulé les conférences tenues à la Haye avec le duc de Newcastle, sans que pourtant oh n'ait rien conclu. Si la France ne s'empresse pas trop à donner des subsides à quelques princes de l'Empire, je ne veux point vous celer que c'est en suite d'un conseil que je lui ai fait donner par le comte Tyrconnell quand je me suis expliqué avec lui sur de certaines ouvertures que la France me fit faire, et je suis encore dans l'opinion qu'elle ferait mal de faire de grandes dépenses avec ces Princes avant que le cas le demandera, dans quel cas elle trouvera toujours des princes d'Allemagne qu'elle saura attirer dans son parti. |