3864. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.
Potsdam, 9 septembre 1749.
Les dépêches que vous m'avez faites à la date du 26 et du 29 du mois passé d'août, me sont bien parvenues. Quoique je convienne de ce que l'ambassadeur de France vous a dit relativement à la déclaration que le sieur Panin doit faire au ministère de Suède, et que le sieur Ekeblad ne fasse point mal de ne pas trop se presser d'accorder au ministre russien, autant que décemment se pourra faire, la conférence qu'il a demandée, cependant je ne saurais point vous cacher que j'ai été frappé quand j'ai vu ce que le sieur Rudenschöld vous a répliqué aux insinuations que vous lui avez faites par mon ordre sur la situation de la Finlande89-1 et dont vous m'avez rendu compte par le dernier de vos rapports susmentionnés, puisque je ne saurais point comprendre comment et par quelles raisons bonnes et fondées les ministres de Suède pourront s'imaginer que la Russie ne fera rien contre la Suède, et il faut que je vous avoue que je trouve les ministres de Suède un peu trop assurés sur cet article-là.
Ce que vous ne leur cacherez, aussi, point du tout, en les priant de vouloir bien m'ajouter foi là-dessus. Vous ajouterez que je leur donnais à cette occasion un avis militaire, que je leur demandais avec instance et pour le vrai bien de la Suède de ne point négliger, et que vous leur direz tout nettement: c'est qu'il n'y avait point de pays au monde qu on saurait défendre avec 9,000 hommes — comme il y a effectivement de troupes suédoises en Finlande, et des troupes peu exercées encore, puisqu'elles n'ont été employées, à ce que j'ai appris de bon lieu, qu'à travailler aux fortifications qu'on a fait faire en Finlande — contre un ennemi de 20,000 hommes. Vous leur direz, de plus, qu'autant qu'il me paraissait, ils comptaient sur les gens qu'ils voudraient assembler de leurs paysans pour renforcer les troupes en Finlande, comme si ceux-là y étaient déjà actuellement; mais qu'ils pourraient bien risquer d'avoir mal compté; car, si une fois les troupes russiennes entraient dans ce pays-là, il n'y aurait plus temps d'assembler et d'y transporter ces gens-là, pendant un temps où l'ennemi poussait ses opérations, et que je les priais en conséquence de se bien imprimer que des choses qui sont possibles et praticables aujourd'hui, pourront devenir inpraticables le jour qui suit. Que je n'ignorais point que la Suède<90> était présentement pourvue de fort bonnes alliances, mais que je les priais que, malgré toutes ces alliances, ils devaient se reposer le plus sur leurs propres arrangements et sur les bonnes dispositions qu'il leur convenait de faire pour une bonne défensive; et comme la guerre, si elle venait à s'élever, regardait principalement la Suède, il faudrait aussi que celle-ci fît les premiers arrangements pour se défendre contre l'ennemi qui venait l'insulter. Qu'ils devaient penser qu'ils avaient à faire avec un ministre tel que Bestushew, dont il était assez connu qu'il ne suivrait pas ce que la raison lui pourrait dicter, mais qu'il se laissait emporter par la fougue de ses passions, sans penser aux suites qui en pourront résulter, et qui apparemment serait fortifié dans ses desseins lorsqu'il savait la Finlande point assez fournie de troupes pour pouvoir faire résistance à ses entreprises; que cette facilité de pouvoir parvenir à ses desseins, serait peut-être un nouvel appas pour lui pour envahir toute la Finlande, et qu'enfin il n'était que trop avéré que la méfiance était la mère de la sûreté, et que je savais par un bon canal que le chancelier Bestushew travaillait actuellement pour vouloir entraîner presque par force la cour de Vienne dans une guerre contre la Suède.90-1 Vous tâcherez de votre mieux pour insinuer tout ce que dessus, dans des termes convenables quoique énergiques, aux ministres de Suède et me ferez votre rapport de l'impression qu'il a faite sur eux.
Federic.
Nach dem Concept.
89-1 Vergl. S. 47. 56.
90-1 Vergl. S. 83.