4210. AU CONSEILLER BARON LE CHAMBRIER A PARIS.
Potsdam, 28 mars 1750.
Je vous fais mes remercîments de toutes les choses intéressantes dont vous m'avez instruit par votre dépêche du 16 de ce mois et le post-scriptum que vous y avez joint. Si le marquis de Puyzieulx persistait de vouloir absolument quitter son département et que le choix tombât alors sur M. de Chauvelin, pour le ravoir,312-1 nous n'y perdrions guère, puisque je connais celui-ci pour homme bien habile, ennemi de la cour de Vienne, et d'ailleurs hardi et capable de mener de grandes entreprises; et, dans la situation présente des affaires, tout ce que nous saurions souhaiter, est que la France montre de la vigueur et ne se laisse point supprimer par ceux qui sont du parti contraire.
Pour ce qui regarde les affaires du Nord et ce que je pourrais faire en cas que la Suède soit attaquée par la Russie, vous connaissez déjà mes sentiments à cet égard, par les dépêches antérieures que je vous ai faites;312-2 aussi continué-je dans la résolution que je vous ai marquée, que, si la Suède est assaillie par la Russie, je remplirai les<313> engagements ou je suis avec celle-ci et lui fournirai le corps de troupes auxiliaires, stipulé dans notre traité d'alliance défensive.
Quant à la Russie, il n'est point à douter qu'elle ne pousse cette année-ci ses démonstrations guerrières plus loin qu'elle n'a fait par le passé, et mes dernières lettres de Pétersbourg marquent qu'on vient de donner l'ordre à quatre régiments d'infanterie qui se trouvent aux environs de ladite capitale, de joindre incessamment le corps de troupes russes en Finlande; qu'on y a transporté depuis peu quelque train de pièces de campagne, auquel on a joint quelques canons de batteries, et qu'on équipera la flotte, pour la mettre en état de sortir à la première bonne saison. Cependant comme j'apprends en même temps qu'on travaille à Pétersbourg à un nouveau mémoire pour répliquer à la dernière réponse de la Suède, l'on présumerait que les armements mentionnés ne serviront proprement que pour intimider les Suédois et pour appuyer les demandes ultérieures de la Russie. Ce qui me confirme encore que la Russie ne voudra pas passer plus loin, c'est que les troubles du Nord ne conviennent guère à la cour de Vienne dans le moment présent, où elle voudrait travailler à faire passer l'élection d'un roi des Romains, et que l'Angleterre fait semblant, au moins, qu'elle ne veut prendre aucune part dans les démarches violentes de la Russie, qu'elle les désapprouve et qu'elle veut employer ses moyens pour empêcher celle-là de mettre le Nord en combustion.
Au surplus, le comte de Tyrconnell vient de nous arriver et s'est fait présenter à moi d'abord en simple particulier, puisque, à ce que j'apprends, il ne doit demander son audience et remettre ses lettres de créance que quand le marquis de Valory aura présenté celles de son rappel; ce que, par ordre de sa cour, celui-ci était obligé de faire seulement dans cinq ou six semaines après l'arrivée de son successeur. Apparemment sa cour l'aura instruit de cette façon pour qu'il apprenne auparavant à connaître le terrain, puisque je ne saurais m'en représenter d'autre raison que celle-là.
Federic.
Nach dem Concept.
312-1 Chauvelin war 1737 von der Leitung der auswärtigen Angelegenheiten Frankreichs zurückgetreten.
312-2 Vergl. S. 285.