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4659. AU COMTE DE TYRCONNELL, MINISTRE DE FRANCE, A BERLIN.

Potsdam, 2 décembre 1750.

Milord. Les fréquentes allées et venues des courriers qu'il y a eu depuis peu de temps entre les cours de Vienne, de Pétersbourg et de Londres, avec les avis qu'on m'a donnés de différents grands conseils qu'on a tenus à Vienne auxquels un ministre de Russie avait assisté au sujet des dépêches que ces courriers ont apportées, m'ont fait redoubler d'attention pour pénétrer au possible quel saurait être l'objet de tous ces mouvements extraordinaires. Mes soins ont eu le succès que je viens d'être informé à la fin, par mes correspondants secrets, qu'il s'y est agi d'une affaire d'assez grande conséquence, savoir d'un nouveau traité d'alliance qui venait d'être constaté, signé et ratifié dans le plus grand secret entre les deux cours impériales et celle de Londres. A ce qu'on m'avertit, c'a été le roi d'Angleterre qui a proposé ce traité, et les points principaux qu'on a mis pour base, doivent être une garantie mutuelle et générale de tous les États, provinces et possessions, sans en excepter aucune, que les parties principales se sont promises contre quiconque — selon les termes exprès du traité — qui soit l'agresseur. L'on y doit avoir, entre autres, stipulé formellement qu'en cas que l'Impératrice-Reine viendrait à être attaquée dans ses possessions d'Italie, l'Angleterre fournirait, au premier avis qu'elle en aurait, le secours de 20 vaisseaux de guerre de ligne avec des troupes suffisantes pour en faire des débarquements, et la Russie 30,000 hommes, secours auquel la Russie avait à s'attendre réciproquement, le cas existant qu'elle serait attaquée. Il doit y être stipulé d'ailleurs que, s'il arrivait que la Suède fît des changements dans la forme présente de son gouvernement, on le regarderait comme un cas d'alliance et les alliés s'y opposeraient unanimement de toutes leurs forces. L'on ajoute que la Hollande et le roi de Pologne seraient invités d'accéder au traité, et que les ministres des parties principales contractantes devaient y travailler conjointement.

Voilà en gros le plan sur lequel cette alliance doit être bâtie, le temps n'ayant pas permis encore à mes correspondants de m'en marquer les autres détails. L'on m'assure, de plus, que le prince d'Orange dressait sous mains ses batteries afin de pouvoir s'emparer entièrement de l'autorité souveraine de la Hollande, ce qui se réaliserait apparemment en peu de temps.

La confiance sans réserve que j'ai pour vous, Milord, et la part sincère que je prends à tout ce qui peut regarder les intérêts de la France, ne me fait point hésiter de vous communiquer tout ceci, en vous conjurant cependant de m'en vouloir garder le secret le plus religieux et impénétrable; j'ai même des raisons pour vous prier de n'en rien toucher à aucun de mes ministres et de faire d'ailleurs en sorte que, lorsque vous avertirez votre cour de ce que je vous confie, vous