4620. AU CONSEILLER PRIVÉ DE LÉGATION DE ROHD A STOCKHOLM.

Potsdam, 13 novembre 1750.

J'ai bien reçu votre dépêche du 3 de ce mois. Quant aux nouvelles de Pétersbourg qui regardent la conduite du comte Lynar et les circonstances mystérieuses des courriers qui lui sont venus de Copenhague, je viens d'apprendre149-2 qu'il s'est agi principalement là-dedans d'une commission que sa cour lui a donnée de faire de tout son mieux pour engager le grand-duc de Russie d'approuver les arrangements pris avec le Prince-Successeur par rapport au duché de Holstein et d'y accéder; que le comte Lynar avait présenté un ample mémoire aux ministres du Grand-Duc, pour que celui-ci y donnât les mains, qui avait été accompagné de propositions aussi emmiellées qu'on eût pu imaginer, mais que le Grand-Duc lui avait fait répondre que, quoi qu'il arrivât, il ne renoncerait jamais à ses droits légitimes sur le Sleswig, ni ne consentirait de sa vie à un échange de son duché de Holstein contre quel pays que ce puisse être; que si le Prince-Successeur avait jugé à propos de se départir de ses droits, c'était une affaire à laquelle lui, Grand-Duc, ne prenait part ni en blanc ni en noir et qu'il la regardait comme une chose absolument étrangère. Comme le Grand-<150>Duc a entretenu lui-même là-dessus mon ministre à Pétersbourg, j'ai ordonné à mon ministère du département des affaires étrangères150-1 de vous communiquer tout le détail que le sieur Warendorff m'en a marqué.

Sur ce qui regarde l'affaire du projet d'un mariage à convenir entre le prince Gustave et une des filles du roi de Danemark150-2 au sujet duquel vous m'avez fait une dépêche immédiate et séparée, je veux bien dire que je ne saurais pas désapprouver la manière dont ma sœur, la Princesse Royale, s'est prise pour voir si la cour de Copenhague voudra agréer la proposition ou non que la jeune princesse de Danemark soit élevée en Suède; cependant je ne veux pas vous laisser ignorer que la cour de France, après avoir été informée de la susdite proposition de ma sœur, l'a regardée comme une idée tout-à-fait impraticable et révoltante pour le Danemark et dont il ne résulterait rien d'avantageux, puisque, si même par un hasard aussi heureux qu'imprévu elle était prise en bonne part du roi de Danemark, elle pourrait rencontrer des oppositions aux États de la prochaine Diète. Aussi le ministre de France à ma cour, par un ordre exprès de la sienne, est venu depuis deux jours se répandre à moi en plaintes amères et en grande doléance sur une idée pareille qui, selon lui, sera la plus propre à inspirer des soupçons au roi de Danemark, sous quelque forme agréable qu'elle puisse lui être présentée, et capable de rompre les nœuds d'amitié entre la Suède et le Danemark qui avaient coûté tant de soins et de peines à établir. La France m'a même fait conjurer d'en détourner ma sœur par toutes les remontrances les plus énergiques, sans quoi on croit tout perdu en France par rapport à la bonne harmonie entre la Suède et le Danemark. Ledit ministre de France a insisté fortement à ce que je doive écrire là-dessus à ma sœur, aussi m'y suis-je engagé en quelque façon, mais comme j'ai vu par votre dépêche que ma sœur ne veut point faire de cette proposition une condition sine qua non, mais tâter seulement par une voie indirecte là-dessus le Danemark, j'ai encore sursis de lui en écrire. En attendant, vous pouvez bien communiquer confidemment à ma sœur tout ce que je viens de vous marquer là-dessus, quoique d'ailleurs vous ménagiez un secret impénétrable à cet égard.

Au reste, comme le temps de la Diète à assembler en Suède s'approche de plus en plus et qu'il n'y a nullement à douter que le chancelier de Russie, comte Bestushew, ne mette tout en œuvre, soit intrigues soit ostentations, et peut-être plus encore, pour brouiller les consultations de la Diète et pour culbuter le ministère présent de Suède, à moins que celui-ci n'ait la prévoyance de mettre la Finlande dans un bon état de défense, je vous ordonne expressément d'en parler aux<151> ministres de Suède et de leur faire les remontrances les plus énergiques et les plus pressantes sur la nécessité souveraine qu'il y avait qu'ils pensassent à mettre, avant l'assemblée de la Diète encore, la Finlande en un bon état de défense, de manière que la Suède n'ait rien à craindre de ce côté-là. Vous vous servirez à ce sujet de toutes les raisons que je vous ai déjà suppéditées par mes dépêches antérieures et particulièrement par celle du 11 d'août de cette année-ci.151-1 Vous ajouterez que, s'ils négligeaient à prendre cette précaution salutaire et indispensable et qu'il en arriverait, après, quelque malheur et que la Diète serait très orageuse — comme il ne laisserait pas d'arriver sans cela —, qu'ils n'auraient qu'à imputer à eux seuls toutes ces suites, au lieu que, s'ils mettent la Finlande en bonne défense, la Diète se ferait tranquillement et à leur gré. Vous ne manquerez pas de m'avertir de la réponse que vous aurez à ce sujet.

Federic.

Nach dem Concept.



149-2 Vergl. Nr. 4618.

150-1 Der Befehl an das Ministerium erfolgte erst am 14. November durch ein Schreiben von Eichel an den Grafen Podewils.

150-2 Vergl. S. 108.

151-1 Nr. 4460 S. 49.